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Mot de passe oublié ?Son expérience de capitale culturelle en 2015, la ville de Mons compte bien la prolonger. Vers sa population, et vers l’Europe, avec les événements d’envergure de sa première Biennale 2018-2019. Après Van Gogh en 2015, l’exposition phare consacre au BAM, son musée des Beaux-Arts, l'artiste Niki de Saint Phalle (1930-2002) à travers une grande rétrospective, la première organisée en Belgique. Un choix judicieux que cette artiste franco-américaine, qui a lancé de son art un pont entre deux cultures, celle de l’Europe et celle des Amériques, et qui s’est affranchie de la femme soumise à l’autorité de l’homme pour vivre et exprimer la femme engagée sur tous les fronts de son émancipation, personnelle, politique, artistique.
L’art de Niki de Saint Phalle est un art courageux. Revendiquant la simplicité, l’accessibilité de tous, en une époque baignant dans l’élitisme abstrait et la victoire consumériste du pop art. Cet art, accessible à toutes les conditions sociales, ethniques, et à la portée même des enfants pour qui ses immenses sculptures volontairement arrondies, offraient leurs cavités à la cachette et dont les langues rouges invitent aux plaisirs du toboggan. A une époque où galeries et marchands d’art s’appliquaient à faire la fortune de l’artiste européen et américain, Niki de Saint Phalle rêvait loin des galeries de déployer dans l’espace libre et public ses sculptures et fontaines aux couleurs vives, revêtues de matériaux brillants et miroitant, et effrayait le bourgeois aves ses Tirs des années 60, pointant son fusil, attribut du mâle, sur ses toiles pour faire jaillir puis couler ses couleurs.
Puis, passée la colère, ses formes mosaïques ont inventé une mythologie de la femme moderne, celle tournant le dos au modèle de mère, frustrée et silencieusement soumise à l’emprise patriarcale, celle œuvrant à panser les plaies profondes commises par un père incestueux. Celle revendiquant un monde coloré, se passant du tranchant de la ligne droite, un monde de femmes puissantes aux seins généreux, aux formes pleines. Déesse, Papesse, impératrice, Madone, elles trônent majestueusement aujourd’hui dans le jardin des Tarots en Italie, dans le parc d’Escondido en Californie, ou encore dans le parc Rabinovitch de Jérusalem.
Apparues en 1964, les Nanas ont révolutionné la représentation féminine. Elles sont aujourd’hui les plus populaires de l’œuvre de Niki de Saint Phalle : elles habitent maints musées, se sont multipliées en reproductions vendues en boutiques, véhiculant la joie, la rondeur, la couleur toute féminine et triomphante, aux attributs puissants et généreux.
Seules les mariées, conçues aussi dans les années 60, restent blanches. Couleur de la tristesse pour Niki. La tête parée de cheveux bouclés, le visage inexpressif, le corps envahi de fleurs, petits animaux et autres créatures étranges, plaquées contre le fond de la toile, les mariées traduisent une vision morbide de la condition féminine. D’autres femmes, blanches elles aussi, sont représentées avec un nouveau-né pendant entre leurs jambes, auquel Niki donne, le temps d’un accouchement, un sexe d’allure masculine.
Quelle belle idée que d’offrir à l’Europe de se replonger dans l’œuvre de Niki de Saint Phalle. Une œuvre éclatante qui véhicule l'idée que, pour les femmes, Tout est possible ici.
Niki de Saint Phalle, Ici tout est possible, exposition visible jusqu’au 13 janvier 2019 au BAM (Beaux-Arts Mons), rue Neuve 8, Mons, Belgique.