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« Phèdre! » déborde d’enthousiasme à Avignon

par Élisabeth Pan
Romain Daroles interprétant Phèdre dans la pièce de François Gremaud
Romain Daroles interprétant Phèdre dans la pièce de François Gremaud "Phèdre !" © Raynaud De Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 18/07/2019
François Gremaud ne pouvait pas garder secrète sa passion pour Phèdre. Il la fait monter sur une scène du festival d'Avignon avec humour et conviction, grâce à Romain Daroles, un "conférencier débordant d'enthousiasme".

Est-il possible de faire apprécier Phèdre, pièce de théâtre classique écrite en alexandrins, à des lycéens ? Est-il possible de dédramatiser cette célèbre tragédie de Racine ? Avec Phèdre!, François Gremaud répond par l’affirmative. Sous forme de conférence, Phèdre! semble à première approche être un simple cours magistral. C’est une illusion, bien que la pièce ait été commandée en 2018 par le Théâtre Vidy-Lausanne pour être jouée dans des écoles, au point que les lycéens ont d’abord cru assister à un cours sur Racine. Le comédien incarne la figure théâtrale d’un professeur, la figure principale, figure unique car il est seul en scène. François Gremaud cherche ainsi à faire partager son admiration pour Racine, et écrit un personnage dont la passion pour Phèdre contaminera le public. Pour transmettre cette contagion, l’auteur utilise toutes les formes narratives, du jeu de mots à la paraphrase.

 

Une passion pour Racine. François Gremaud découvre Phèdre jeune et, dans le langage de Racine, y trouve "les mots que j’aurais rêvé de pouvoir prononcer”. Cette passion pour le théâtre classique, le dramaturge souhaite la partager avec sa nouvelle pièce. S’il décide de dédramatiser la pièce, il ne la tourne cependant ni au ridicule, ni à la moquerie. “L’idée”, explique François Gremaud, “est bien plutôt d’aller, par le biais de la joie, retraverser la tragédie de Racine.” Le comédien Romain Daroles interprète ainsi un professeur, qui parle autant de la mythologie grecque que de l’alexandrin et de la pièce elle-même, tout en faisant des blagues et autres jeux de mots. Le professeur va prendre sur lui d’expliquer Phèdre en passant de la déclamation des vers de Racine à la paraphrase. Romain Daroles parvient ainsi à faire vivre la pièce, en multipliant les voix, mimiques et expressions corporelles, différentes pour chaque personnage. Phèdre sera alors dramatique, Hippolyte rebelle et OEnone blasée. Se servant du livre comme seul élément de costume, le comédien va en faire tour à tour la couronne de Phèdre et la barbe de Théramène. Tout ceci ajoutera à l’humour de la pièce, qui pour le reste s’affiche un peu facile, mais fait particulièrement rire lorsque l’enseignant réalise qu’il s’écarte du sujet. Ou lorsqu’il s’autorise une blague qui ne fonctionne pas, le mettant mal à l’aise.
Se perdant parfois dans sa passion pour le théâtre, la mythologie et Phèdre, le professeur peut dévier longtemps de son sujet, les yeux pétillants de joie de partager de nombreuses anecdotes. Ce système rappelle un peu la Conférence de choses, autre pièce de François Gremaud, dans laquelle un conférencier passe d’anecdotes en anecdotes sans réellement avoir de but discernable, “comme quand on va sur wikipédia et qu’on clique de lien en lien sans s’arrêter”, commente son auteur. Les deux pièces sont également semblables dans le partage de joie et d’étonnement, qui importe beaucoup aux yeux de François Gremaud, “en fait, ce qu’il me plaît de mettre en scène, c’est l’étonnement qu’a ce personnage.” Le titre de la pièce, “Phèdre!”, vient d’ailleurs du fait que le point d’exclamation se nomme en latin point d’admiration, et viendrait d’après une légende du latin “io”, joie, qu’on aurait écrit avec le “i” au-dessus du “o”.

 

"Mettre en partage, sans créer de la distance. Le proverbe “apprendre en s’amusant” aurait pu être l’intention de départ de la pièce, mais celle-ci a pris un autre chemin. François Gremaud apporte à son œuvre un mélange d’intelligence, de naïveté et de fraîcheur “pour justement mettre en partage, sans créer de la distance”. Phèdre! est ce partage d’un amour et d’une passion sans limites pour le théâtre. Le metteur en scène apporte à la tragédie de Racine beaucoup de joie et d’étonnement. L’étonnement serait pour lui “le lieu de départ de la pensée”. Il ajoute “je suis persuadé que la joie peut contenir tout le tragique du monde”, résumant ainsi le fond de la pièce. Romain Daroles sert magnifiquement son rôle, en mêlant à son jeu de passionné de Phèdre sa réelle passion pour le théâtre. Une personne ainsi amoureuse de son sujet ne peut que partager son engouement, le public tombant amoureux de la pièce sous ses mots. L’auteur raconte que les lycéens convaincus d’assister à un cours sont entrés méfiants, mais sont sortis admiratifs de Phèdre. Si le sujet principal est la pièce de Racine, c’est un amour du théâtre dans son ensemble qui en ressort.

Avant la fin du spectacle, des exemplaires du livre de la pièce sont distribués à chaque spectateur, afin qu’il puisse la lire pendant que le comédien la joue. Le but premier apparaît alors : faire un cadeau. Faire cadeau du théâtre, cadeau de l’art, cadeau de la passion.

 

Phèdre ! de et mise en scène par François Gremaud sur le texte de Jean Racine. Avec Romain Daroles. Festival d’Avignon jusqu’au 21 juillet. Reprise à Montbéliard du 20 au 23 novembre, Cognac les 26 et 27 novembre, Saint-Médard-en-Jalles du 3 au 6 décembre, Vevey du 9 au 13 décembre. Puis en 2020 à Colombes, Perpignan, Hédé-Bazouges, Épinal, Bruxelles, Vitrioles, Istres, Nantes, Maubeuge, Chelles, Saint-Ouen, Arras, Saint-Brieuc, Terrassons, Paris.

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