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Pour Jean-Marc Roze, « le mécénat est un impôt choisi »

par Véronique Giraud
Jean-Marc Roze, adjoint aux finances de la municipalité de Reims, pilote les opérations de mécénat menées par la ville. DR
Jean-Marc Roze, adjoint aux finances de la municipalité de Reims, pilote les opérations de mécénat menées par la ville. DR
Hors-Champs Politique Publié le 19/02/2019
La Ville de Reims se singularise par une politique de mécénat très active, peu répandue parmi les collectivités en France. Initiée en 2011, l’actuelle équipe municipale la poursuit en mobilisant le soutien de la population et des entreprises aux projets de restauration et de valorisation du patrimoine rémois. Entretien avec Jean-Marc Roze, adjoint aux finances de la municipalité et en charge du mécénat.

De quelle façon s’organise le mécénat à Reims ?

Étant aux finances de la ville, je pilote le mécénat. Avec Catherine Coutant, conseillère déléguée au patrimoine, nous avions dès le début du mandat d'Arnaud Robinet pisté les urgences en matière de patrimoine et avons choisi deux symboles de notre ville : la fontaine Subé installée au cœur de la ville, qui a été réhabilitée et remise en eau, et la Porte Mars, une porte gallo-romaine bâtie il y a 1800 ans. L’orientation s’est faite avant tout sur un choix commun entre les finances, le patrimoine et l’exécutif auprès du maire, du patrimoine le plus urgent à rénover. Ensuite nous avons réuni des entreprises, qui sont mécènes ou le sont devenues, en leur demandant comment elles pouvaient nous aider.

Alors que le mécénat des particuliers est exclusivement financier, le mécénat d’entreprise s’exerce en trois volets : financier, avec l’avantage fiscal spécifique à l’entreprise (60% de l’impôt), de compétence, par exemple toutes les statues de la fontaine Subé ont été refaites par des entreprises de taille de pierre et sa remise en eau a nécessité de réaliser une station et de relier des pompes. Le troisième volet est la fourniture de matériel.

 

Quelle est la contrepartie pour l’entreprise ?

Elle bénéficie d’abord de la publicité qui lui est faite : sur les panneaux ou sur les bâches du chantier. Il y a aussi une communication interne. Il est très intéressant pour une entreprise de communiquer à son personnel qu’elle aide à rénover le patrimoine de la ville auquel les gens sont très sensibles.

 

Le mécénat des particuliers est lui confié à la Fondation du Patrimoine…

C’est exact, nous avons signé un accord. Au début nous le faisions directement, maintenant nous avons une convention qui permet d’alléger le service. Cela ne change rien en matière d’exonérations d’impôt, de l’ordre d’un tiers pour le particulier. J’ai l’habitude de dire que le mécénat est un impôt choisi : lorsqu’on paye ses impôts, on ne sait pas toujours où va l’argent. En faisant du mécénat,on choisit de donner 66% de notre impôt à une opération précise. Les dons que reçoit la Ville sont parfois très petits, ils peuvent être de 5 ou dix euros. Ils viennent de gens qui n’ont pas de gros moyens mais qui souhaitent contribuer. Le mécénat est aussi une opération de cœur.

 

Peut-on mesurer l’impact du mécénat sur la gestion d’une ville ?

Si on prend l’exemple de l’opération Fontaine Subé, monument emblématique de Reims, haute et couronnée de la statue d’un ange, elle a été financée à 90% par le mécénat. En argent, en compétence, et en fournitures.

Récemment nous avons fait appel aux mécènes pour réaliser la statue du footballeur Raymond Kopa, ancien attaquant rémois, et l’installer devant le stade de la ville. Nous avions prévu de 15 à 20% d’apport du mécénat. Nous en avons eu plus de 40%. L’adhésion des habitants se reflète dans ces opérations patrimoniales.

 

La prochaine grande opération est programmée en 2019 avec la mise en lumière de la cathédrale, et l’an prochain de la basilique Saint-Rémi. Comment se passe le mécénat ?

Le budget total de mise en lumière est de trois millions d’euros. La demande en financement mécénat vient d’être annoncée à l'occasion de la réunion annuelle à laquelle nous invitons nos mécènes. Elle porte sur la conception du spectacle, soit la moitié du coût total. Nous comptons atteindre 20 à 30% de cette somme, entre 4 et 500 000 euros. C’est une estimation. La moyenne annuelle du mécénat à Reims diligenté par la Ville est d’environ 500 000 euros. Ne rentre pas dans ce chiffre le festival Les Flâneries musicales qui, majoritairement financé par la municipalité, est soutenu par le mécénat à hauteur de 500 000 euros. Un million par an de mécénat, c’est important.

 

Les maisons de Champagne sont actives en mécénat ?

Certaines oui. Elles ont tout intérêt à ce que la ville soit attractive par son patrimoine. Le premier classement UNESCO, qui date de plus de 25 ans, a distingué la cathédrale, la basilique Saint-Rémi et la Plais du Tau, mais le deuxième classement il y a deux ans concerne le paysage champenois et les caves de Champagne. Cela fait venir des touristes à Reims, tout est lié.

 

Avec un tel niveau d’engagement, Reims est une exception en France…

Oui, au fil des années une culture du mécénat s’est développée. Cela ne concerne pas que des gens ou des entreprises qui ont des moyens, ça concerne une adhésion de cœur. Pour faire du mécénat, il faut en avoir envie.

 

Quels sont les projets ?

Une grosse opération démarre l’an prochain, c’est la réfection de la basilique Saint Remi. Globalement c’est 40 millions d’euros, qui englobent la réfection de la toiture, des murs, et la recréation des vitraux. L’État va nous aider mais il devrait rester à charge de la ville entre 20 et 25 millions d’euros. Une opération de mécénat sera organisée.

 

Peut-on dire que le mécénat est une forme de gestion ?

Par rapport aux investissements faits sur Reims et le Grand Reims, qui sont de l’ordre de 180 millions d’euros par an (eau, assainissement, routes, etc.), le mécénat représente peu. Mais un euro d’économisé en investissement grâce au mécénat permet à la collectivité d’en dépenser dix puisque quand vous investissez dix millions, vous l’amortissez en dix ans. Avoir 500 000 euros par an, c’est loin d’être ridicule. C’est le principe d’une économie de fonctionnement.

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