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Avec Johé Bruneau, le plastique recyclé devient matière d’artisanat d’art

par Véronique Giraud
Dans le département Biofabrique de la Biennale de design de Saint-Étienne, Johé Bruneau explique par la démonstration comment les bouchons en plastique réduits en petites particules peuvent être moulés, passés au four et être transformés en objets d'art. ©Mucchielli/NAJA
Dans le département Biofabrique de la Biennale de design de Saint-Étienne, Johé Bruneau explique par la démonstration comment les bouchons en plastique réduits en petites particules peuvent être moulés, passés au four et être transformés en objets d'art. ©Mucchielli/NAJA
Les créations de Johé Bruneau en plastique recyclé illustrent le défi du collectif Precious Plastic : couverture de cahier, coquetiers colorés, lampe de table, panneaux décoratifs, diabolo, pendentif tortue, coquillage porte-savon sont autant d'inventions capables de convaincre que le plastique ne doit plus être jeté à la poubelle. ©Rivaud/NAJA
Les créations de Johé Bruneau en plastique recyclé illustrent le défi du collectif Precious Plastic : couverture de cahier, coquetiers colorés, lampe de table, panneaux décoratifs, diabolo, pendentif tortue, coquillage porte-savon sont autant d'inventions capables de convaincre que le plastique ne doit plus être jeté à la poubelle. ©Rivaud/NAJA
Arts visuels Arts plastiques Publié le 27/03/2019
L'artiste Johé Bruneau veut nous réconcilier avec le plastique en le portant au rang de matériau de création. Pour s’en convaincre, il faut se rendre dans le grand hall de la Biennale internationale de Design de Saint-Étienne. Portrait d’un créateur et membre actif du collectif mondial Precious Plastic.

Devant un grand tas coloré de bouchons en plastique, l’artiste plasticien Johé Bruneau s’affaire à fabriquer un… coquetier. Sorti de son moule en aluminium, l’objet est semblable à tous les autres. Mais sa matière première, le plastique, intrigue, dérange même. Il fait la une de la presse avec sa cargaison d’oiseaux, de poissons et autres batraciens échoués, victimes d’avoir ingurgité trop de ce déchet non biodégradable, qui envahit les océans et les mers du globe aujourd’hui.

 

Pourtant, Johé Bruneau représente à merveille le WE de la Biennale internationale de Design de Saint-Étienne dont la commissaire, la franco-américaine Lise Wight, explique le sens dde l’édition 2019 sur écran à l’entrée du hall. Si le jeune artiste en est l’invité c’est en qualité de membre de Precious Pastic. Ce collectif est né il y a cinq ans à Hanovre aux Pays Bas du désir de son fondateur, le designer hollandais Dave Hakkens, de rassembler la plus grande communauté possible pour donner une nouvelle vie au plastique plutôt que de le jeter et ainsi d’en empoisonner la planète. « Je suis le seul élément français du collectif », sourit l'artiste. Et d’expliquer que « le plastique peut être recyclé sept fois tout en conservant ses propriétés ». Laissant du même coup concevoir une perspective durable à cette matière qui encombre nos poubelles. Bien sûr tous les plastiques ne sont pas recyclables, la vigilance à leur code de reconnaissance, comme celui du plastique PET, qui se recycle à 100%.

 

 

Originaire de Saint-Étienne, Johé Bruneau s’est dirigé, après un Bac scientifique, vers les métiers de la création. À l'école d'art Olivier-de-Serres, il se forme à la sculpture, au modelage, au moulage, et en sort en 2014 avec un DMA sculpture sur matériaux de synthèse. Attaché au travail de la matière, aux savoirs faire artisanaux, il perfectionne sa technique du moulage dans les ateliers de la RMN (Réunion des Musées Nationaux) et chez le bronzier d’art Candide. Préoccupé par l’écart qui se creuse entre ces valeurs patrimoniales du passé et notre société contemporaine, il en fait l’objet de son mémoire de DSAA, Reconsidérer l’objet authentique d’aujourd’hui. « J’y remets ma pratique en question ainsi que l’usage du terme (authentique), amplement détourné pour servir un consumérisme nostalgique d’un passé dépassé. En réaction je m’intéresse à la revalorisation et au recyclage des rebuts de l’industrie (câbles électriques, verre, aluminium, plastique ). Ils deviennent pour moi de nouveaux médiums me permettant de revisiter différents savoir-faire : vannerie, taille directe, fonderie, moulage… » Sa rencontre avec Dave Hakkens, qui a fait du recyclage du plastique son cheval de bataille, est déterminante et il rejoint le collectif Precious Plastic, projet basé sur le développement de machines pour recycler le plastique à échelle locale. Il s’agit d’un engagement désintéressé, tout y est en Open Source. Les plans des machines sont diffusés gratuitement sur internet et une série de vidéos tutorielles sont mises en ligne pour enseigner étape par étape comment monter son propre atelier de recyclage.

 

Pour convaincre que le plastique peut être envisagé comme une matière première novatrice et inspirante, les membres du collectif parcourent l’Europe et l’Afrique. Johé Bruneau l’a fait sans compter, ni son temps, ni son énergie, pendant trois ans. Aujourd’hui, si son engagement n’a pas faibli et lui a appris à mieux connaître la société contemporaine, il aspire à se retrouver dans sa propre création. C’est ce qui explique son retour à Saint-Étienne où il a installé son atelier fin 2017. Il y élabore également des moules et des pièces sur-mesure à la demande et y développe un travail plus personnel de revalorisation par la création d’objets d’art, allant de la pièce unique à l’édition en petite série. « Ici aussi je porte deux casquettes, créateur et représentant de Precious Plastic en France et à l'étranger ». À Saint-Étienne il construit son réseau, avec la ressourcerie Chrysalide qui lui fournit les bouchons récupérés, mais aussi avec un collectif de matériaux biosourcés, et à l’école de design de la ville où les étudiants sont particulièrement sensibilisés aux questions environnementales. Si c'est en qualité de représentant de Precious Plastic et de pédagogue qu'il est l'invité de la Biennale internationale, où il présente devant le grand public et les professionnels les qualités d’un matériau honni, l'événement offre aussi l’occasion de découvrir un designer passionné, inventeur de moules en aluminium qui élargissent encore le champ des possibles de la création.

 

Sa création, il a eu l’occasion de la présenter en novembre 2018 au musée de la chasse et de la nature. Au sein de la magnifique collection de la fondation François Sommer, sa défense d’éléphant en plastique révélait d’une part que le plastique recyclé est un matériau parfaitement adapté à la sculpture, et évoquait d'autre part l'invention du celluloïd en 1969 comme substitut à l’ivoire d’éléphant. Cette dualité, mêlant invention et éthique, Johé Bruneau la porte en lui et l'instille dans chacune de ses créations.

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