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Que vive l’art !

par Véronique Giraud
À l'heure où les grands rassemblements sont interdits, l'art et la culture font l'objet de réflexions inédites à la fois économiques et esthétiques. ©Yannis Nivault - Festival Paris Cinéma
À l'heure où les grands rassemblements sont interdits, l'art et la culture font l'objet de réflexions inédites à la fois économiques et esthétiques. ©Yannis Nivault - Festival Paris Cinéma
Arts vivants Interdisciplinaire Publié le 30/04/2020
Le confinement a réduit l'art vivant au silence. Or le théâtre, la danse, la musique ont vocation d'élever notre condition par des formes inconnues nées d'imaginations fertiles. La mobilisation et la solidarité s'imposent pour que l'art vivant s'adapte et éclaire ces jours noirs.

Confinés les artistes, fermées les salles de spectacles, annulés les festivals. Le Covid-19 a claqué la porte des nouveaux imaginaires qui, le printemps venu puis dans la lumière de l’été, envahissent habituellement les villes et campagnes avec la promesse d’émotions capables de secouer nos représentations du monde. Elles ont certes été secouées par les menaces cruelles de maladie et de mort liées à l'épidémie. Mais cette dernière nous rappelle notre condition d'être vivant, nous faisant vivre reclus dans nos foyers, faisant ployer nos cous sous l’incertitude.

Or c’est précisément la force de l’art vivant que d’agencer en mots et sur scène nos inquiétudes pour les revêtir de dérision, d’outrance, de poésie, de fantaisie. C’est l’art vivant, qu’il soit musique, théâtre, danse, cirque, qui nous rassemble, et nous fait nous dépasser. Le directeur du festival d’Avignon Olivier Py, confronté à la décision d'annuler l'édition 2020, l'a récemment confirmé avec ferveur : « J’ai toujours pensé qu’il fallait que le rideau se lève, que rien n’était plus sacré que ce geste-là. Rien, si ce n’est la vie elle-même ». Mais où est cet exutoire aujourd'hui ? Dans nos journées de confinés, le désir s’impose de voir un opéra, une pièce, un concert. D'entendre les sons et les voix maîtrisées. Le manque s’installe. Alors on fixe nos écrans où les initiatives des artistes sont nombreuses. Pour les directeurs des centres nationaux d'art dramatique (CDN), c’est une remise en question d’un métier, d’une organisation et, généralement, une adaptation à internet pour préserver le lien avec le spectateur, l’amateur, le curieux. Mais tout cela a rudement changé la donne.

 

Une mobilisation nécessaire. Très souvent invité par les télévisions, le producteur Jean-Marc Dumontet, à la tête de six théâtres privés parisiens, refuse de se laisser abattre : « Il faut rebondir. On doit prendre ce moment pour réfléchir, pour s’organiser. Il faut que le public ait une urgence à revenir grâce à des programmes de grande qualité, qui provoquent l’enthousiasme. » Et de rappeler, « Nous avons la chance d’être dans un pays où la culture a été très largement investie par l’État, où il y a beaucoup de relais ». Les 1000 théâtres de l'hexagone ont été les premiers à s’arrêter, ils seront sans doute les derniers à repartir. La crise de la culture sera donc économique, mais aussi sociale, et psychologique, en particulier pour les intermittents et les jeunes compagnies qui, en 2020, étaient enfin programmées dans tel festival ou telle salle, allaient accéder à la reconnaissance et à de vraies rencontres avec le public.

Là aussi la solidarité se manifeste. Les théâtres publics, dans leur majorité, ont immédiatement soutenu les compagnies en renonçant à réclamer le remboursement des frais engagés pour la saison. « Je crois que ce qui est important pour nous, c’est de prendre notre responsabilité aussi dans la solidarité, estime Jacques Vincey, directeur du CDN de Tours. En tant qu'établissements subventionnés, il faut qu’on prenne notre part dans le soutien aux compagnies, en honorant nos échéances. Nous sommes le premier fonds de soutien. Nous sommes un service public, nous avons le devoir et les possibilités d’amortir la violence que ce monde subit. C’est la force et la vertu, des services publics. On redécouvre combien ça peut être important pour le monde dans lequel on vit. »

Une partie du public a su se montrer solidaire en ne demandant pas le remboursement des billets des spectacles annulés. Et surtout lorsqu'il promet que, dès que ce sera possible, il reviendra occuper les fauteuils des salles de théâtres, les gradins des festivals.

Dans une lettre ouverte sur le site de Bozar, éminent centre d'art contemporain de Bruxelles, son directeur Paul Dujardin livre ses réflexions pour l'élaboration d'un plan de sortie de crise et rappelle que le secteur de la culture « représente 4,2% du PIB de l’Union européenne ». En cette période de réflexion des gouvernements européens autour de la sortie du confinement, il estime que « Le secteur de la culture peut, lui aussi, apporter sa pierre à l’édifice dans les discussions de ce comité de sortie de crise ».

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