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Réfugiés : scènes du droit d’asile à la Scène Thélème

par Véronique Giraud
Gustave Akakpo est l'un des trois comédiens de la pièce d'Aiat Fayez,
Gustave Akakpo est l'un des trois comédiens de la pièce d'Aiat Fayez, "Un pays dans le ciel" mise en scène par Matthieu Roy – Cie du Veilleur. Reprise à la Scène Thélème. © Christophe RAYNAUD DE LAGE
Dans la salle intimiste de La Scène Thélème, les comédiens incarnent les personnages de
Dans la salle intimiste de La Scène Thélème, les comédiens incarnent les personnages de "Un pays dans le ciel", pièce écrite par Aiat Fayez et mise en scène par Matthieu Roy – Cie du Veilleur. © Christophe RAYNAUD DE LAGE
Arts vivants Théâtre Publié le 19/09/2018
Aiat Fayez a pu observer pendant un an le quotidien de l’OFPRA. De son récit documenté, l’auteur a construit, à la demande du metteur en scène Matthieu Roy, des dialogues édifiants entre exilés et officiers. Ils composent la pièce « Un pays dans le ciel » qui, incarnée par trois magnifiques comédiens endossant tous les rôles, immerge le spectateur dans les affres d’un parcours où convaincre est souvent vital.

C’est une salle intime, dans le plus riche quartier de Paris, à deux pas de l’Étoile et des Champs Élysées. La Scène Thélème fait coexister depuis deux ans un théâtre avec un beau restaurant gastronomique, tenu par le chef Julien Roucheteau, dont le talent a auréolé la table parisienne d’une étoile au Guide Michelin et de trois toques au Gault & Millau. La salle de théâtre abonde même, le spectacle terminé, la salle de restaurant fermée par des panneaux coulissants. Ce lieu inédit fêtait mercredi 19 septembre le début de sa deuxième saison avec Un pays dans le ciel, une pièce de Aiat Fayez, écrite à la demande du metteur en scène Matthieu Roy qui avait été marqué par le travail littéraire de l’auteur après son séjour d’étude dans les couloirs de l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Mais, une fois n’est pas coutume, commençons par la fin. Au moment où le public, qui n’a pas ménagé ses applaudissements et ses rappels, se retrouve autour d’un verre au bar d’en face à l’invitation de Jean-Marie Gurné, fondateur de la Scène Thélème. La réaction des spectateurs est en effet essentielle. Ce soir-là, après des félicitations méritées, Matthieu Roy est entraîné dans une discussion sur le récit de la pièce : l’accueil des réfugiés à l’OFPRA et les interrogatoires auxquels chacun doit se plier pour que l’office vérifie le bien-fondé de leur demande. Ici, on donne, ou pas, la qualité de réfugié qui, précise la loi, est accordé à l'étranger persécuté dans son pays.

 

L'urgence de l'écriture. Le public a été visiblement interpellé par cet examen qui peut s’avérer décisif pour le sort d’un être humain. Dans la pièce, un réfugié tchétchène, dont le reste de la famille a obtenu le précieux statut alors que lui en a été débouté, rentre dans son pays où il est assassiné cinq jours plus tard. Les questions portent sur le sort des réfugiés, et les difficultés à statuer pour les officiers eux-mêmes. La pièce montre l’une d’entre eux sèchement désavouée par son supérieur hiérarchique pour avoir accordé l’asile à une jeune femme violée à son domicile par un inconnu, délit qui relève des juridictions nationales sauf si preuve est faite que le viol a été commis pour des raisons politiques ou communautaires. Ce sont ces informations-là qui intéressent au premier chef le public réuni après la représentation.

La pièce a donc « fonctionné ». Les spectateurs ont identifié l’urgence de l’écriture et, s’ils ne parlent ni de la dramaturgie ni de la mise en scène, si donc ils parlent de l’actualité et non de théâtre, c’est justement parce que le théâtre a ce rôle, même dans les beaux quartiers. Le jeu des acteurs n’y est pas pour rien. Ils sont trois, Gustave Akakpo, Hélène Chevallier et Aurore Déon, évoluant au milieu des spectateurs assis tout près.

 

Jouer avec la proximité. Voulue par Matthieu Roy, cette proximité assoit un théâtre immersif, où l’émotion est visible. C’est d’ailleurs la raison que le metteur en scène invoque pour ne jouer cette pièce, et d’autres à venir, ailleurs que dans une salle classique. Dans des lieux intimes comme la Scène Thélème, ou en appartement, comme a été jouée la pièce lors de sa création en 2017. Il y a aussi la complicité que l’on devine entre l’auteur, qui vit à Vienne, et le metteur en scène. Elle a sans doute permis de donner au texte un recul nécessaire sur le tragique des situations, qui se traduit par la présence de traducteurs, amenant une lecture décalée et générant un irrésistible humour. Là encore, le jeu solide des comédiens, passant d’un personnage à un autre, d’un côté à l’autre de la barrière, confirme que nous ne sommes pas dans un docu-fiction, mais bien au théâtre, même sans scène.

 

 

Un pays dans le ciel, commande d’écriture à Aiat Fayez, mise en scène Matthieu Roy- Cie du Veilleur, avec Gustave Akakpo, Hélène Chevallier et Aurore Déon. Du 19 au 29 septembre à La Scène Thélème, 18 rue Troyon Paris 17e.

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