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Sabine Wespieser : « installer un écrivain dans le temps »

par Véronique Giraud
Sabine Wespieser a donné son nom à sa maison d'édition © Philippe Matsas /Leemage /Editions Sabine Wespieser
Sabine Wespieser a donné son nom à sa maison d'édition © Philippe Matsas /Leemage /Editions Sabine Wespieser
Livre Roman Publié le 21/05/2018
Éditrice indépendante, Sabine Wespieser tient personnellement à accompagner les auteurs qu’elle publie, vers les lecteurs. Invitée de la Comédie du Livre de Montpellier les 25, 26 et 27 mai, où elle vient avec neuf de ses auteurs, elle revient sur son métier.

Comment définissez-vous votre métier d’éditrice ?

C’est d’abord mon plaisir de lire, l’activité que je pratique le plus volontiers. C’est ensuite le plaisir du geste professionnel, le moment où on décide qu’on est suffisamment enthousiasmé pour partager le texte. Mais il ne suffit pas que je sois enthousiaste pour que ça marche, ça met en branle toute une chaîne professionnelle : faire un contrat avec l’auteur, avoir un imprimeur, un diffuseur-distributeur, des libraires qui vendent mes livres, des journalistes qui en parlent, etc. Mais le geste d’origine est le cœur absolu du métier. Et le cœur du réacteur, c’est l’auteur.

Le plaisir d’éditer c’est aussi voir se déployer une œuvre, installer un écrivain dans le temps. Le voir, au fil de son œuvre, devenir écrivain. Après un premier roman, l’auteur prend une responsabilité avec le regard que lui renvoie le lecteur qui, admiratif, vient faire signer son livre. Là je vois les auteurs prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils s’inscrivent dans une histoire de la littérature. Pour moi le métier, c’est créer chez le lecteur le désir et l’attente du texte suivant.

 

Vous n’avez jamais d’hésitation ?

C’est compliqué de dire pourquoi on choisit un texte. C’est de l’ordre du choix immédiat. Les auteurs en parlent mieux que moi, j’aime les entendre parler de mon catalogue et de la raison pour laquelle ils sont là, ça m’éclaire.

Pour moi, le rapport forme et fond c’est important. Quand je suis happée par une phrase, par une langue, par un univers, par quelque chose de singulier qui suscite ma curiosité, mon admiration, là je fonce. Je me souviens de chacun des textes que j’ai choisis.

 

Quand vous avez créé votre maison d’édition, vous aviez en tête une bibliothèque idéale ?

Non, je ne savais pas du tout ce que j’allais publier. Quand je me suis lancée, j’avais envie de renouer de la manière la plus simple et immédiate avec le métier d’éditeur. Quand on est éditeur dans une maison comme Actes Sud, on s’éloigne petit à petit du texte et des auteurs parce que, en publiant de plus en plus, on est dans une logique de gestion. Or j’avais envie, une fois la copie partie chez l’imprimeur, de pouvoir accompagner le texte le plus longtemps possible. J’avais aussi envie de maîtriser mieux les autres métiers : la fabrication, la commercialisation, la presse. J’estime que l’éditeur est le plus légitime pour parler de ses livres, que ce soit auprès des journalistes, des libraires, etc.

 

Comment définir les éditions Sabine Wespieser ?

Dans ma maison, nous sommes quatre personnes permanentes. Tout le monde lit tout, et est à fond derrière un auteur. Les auteurs aiment cet engagement total. Parmi les manuscrits que je reçois aujourd’hui, un bon quart d’auteurs ont déjà publié ailleurs et me disent avoir envie d’être dans une petite maison. Ils savent que le sort de la maison est indissociablement lié celui de leurs textes, ce n’est pas forcément le cas dans une maison qui publie énormément.

Je publie dix livres par an, ces dix livres doivent trouver les lecteurs. J’ai la prétention, la mégalomanie même, que l’enthousiasme que je mets dans mon engagement, ma conviction qu’un texte est nécessaire, vont être partagés par d’autres. Cette identification très forte autour d’une ligne éditoriale, les auteurs la ressentent, ils sont très accompagnés.

 

Quel est l’impact de l’éditeur ?

Le marché se tend beaucoup. Même si je n’en suis pas actrice, nous sommes tous en train de subir les conséquences de la surproduction. Le lecteur se sent envahi de textes, il va donc vers une prescription forte, c’est-à-dire les prix littéraires, mais aussi vers les listes de meilleures ventes, qui se font à coup de marketing. Ça devient un sport de combat de garder nos lecteurs, et ça passe d’abord par la formation des jeunes libraires au catalogue.

Le plus beau succès de la maison, c’est Duang Thu Huong avecTerre des oublis, avec 100 000 exemplaires. Trois Irlandaises sont au catalogue, Edna O’Brien, Claire Keegan et O’Follen, qui a été le premier prix littéraire de la maison avec L’histoire de Chicago Mais, Femina étranger 2006.

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