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SDF : la fiction pour raconter toute une vie

par Lucie Goar
Un SDF dans la tempête de neige qui a touché les rues de Londres, résidence du SDF Ripley Bogle, au début du mois de mars. © Rivaud/Naja
Un SDF dans la tempête de neige qui a touché les rues de Londres, résidence du SDF Ripley Bogle, au début du mois de mars. © Rivaud/Naja
Livre Roman Publié le 25/03/2018
Dans la nuit du 15 au 16 février, des équipes de bénévoles ont recensé 3 624 personnes sans-abri à Paris. Un sujet qui préoccupe la littérature. Babel, collection de poche des éditions Actes Sud, vient de rééditer "Repley Bogle" l'introuvable et beau premier roman de Robert McLiam Wilson.

La vague de froid qui a frappé l’Europe a rappelé les dangers qu’encourent quotidiennement les femmes et les hommes qui vivent jour et nuit dans la rue. L’administration a donné un vocable à cette situation, mais très vite, raccourci des médias oblige, ce sont les personnes elles-mêmes que l’on a appelés SDF. « Les SDF » font donc la Une sitôt que le froid s’engouffre. Et comme un jeune président a eu l’idée d’une promesse intenable de « zéro SDF », la querelle des chiffres a commencé à leur sujet. Combien sont-ils dans la capitale ? Avec l’aide des associations, la Ville de Paris a fait un recensement qui a plutôt valeur d’estimation en raison de la difficulté à recenser quelqu’un qui justement n’a pas de domicile. La nuit du 15 au 16 février, ce sont donc 1 700 volontaires qui sont allés dénombrés, sans pouvoir toutefois couvrir l’ensemble des coins et recoins de la commune. Le résultat, bien loin des 50 imprudemment avancé par un ministre, a été précis : 2 025 personnes dans les rues, 672 dans les gymnases et salles municipales spécialement ouvertes, 129 au Bois de Vincennes, 40 au Parc de la Colline, 20 au Bois de Boulogne. Des institutions se sont jointes à ce décompte, ajoutant 377 sans-abri dans les stations de métro, 200 dans les gares SNCF, 112 dans les parkings gérés par Vinci et 49 aux urgences des hôpitaux parisiens. En tout 3 624 SDF cette nuit-là.

Lors de la conférence de presse rendant compte de cette estimation, Dominique Versini, adjointe au maire en charge de ces questions, a indiqué que 3 000 places d’hébergements pérennes manquaient sur la capitale.

 

Une vie derrière l'acronyme. Qui sont ces SDF ? Des personnes qui ont chacune leur histoire, leur parcours et ne se ressemblent évidemment pas. Quelques facteurs sociologiques peuvent tracer des points communs, dont les accidents de vie sont les plus courants. Mais cela ne fait pas une personnalité. Des reportages écrits ou audiovisuels ont pu leur donner, brièvement, la parole. Et puis la littérature s’en est saisi. Elle nous rappelle que la fiction, par sa capacité à susciter notre imagination, est aussi une façon d’approcher la réalité. Le Titi de Jean-Clause Izzo (Le Soleil des Mourants Editions J’ai lu 2002) qui clame « Putain d’hiver » devant l’Hôtel de Ville de Paris n’a plus grand-chose de commun avec les déshérités des Misérables, si ce n’est la tendresse que leur porte leur créateur.

 

Le premier roman de McLiam Wilson. Babel, collection de poche des éditions Actes Sud, a la bonne idée de republier un roman devenu introuvable. Ripley Bogle première œuvre de Robert McLiam Wilson paru chez Christian Bourgois en 1996, raconte la vie d’un SDF irlandais de 21 ans qui a élu domicile près de Buckingham Palace. Œuvre en partie autobiographique puisque l’auteur, né en 1964, a lui-même été SDF dans le centre de Londres après des études de littérature, Le jeune Ripley, hâbleur et séducteur, a le temps de penser à lui-même, depuis sa naissance à Belfast , qu’il quitte pour quelques indélicatesses avec l’IRA, jusqu’à sa descente aux enfers. Evitant l’aspect documentaire, le livre, d’une écriture rapide et directe, plonge au fond d’un individu qui ne manque pas de talents, sans omettre les passages obligés de la vie d’un SDF, des organismes de charité aux bagarres, de l’alcoolisme aux moments de grâce. Un beau roman qui méritait de se retrouver sur les rayonnages des librairies.

 

 

Ripley Bogle roman de Robert McLiam Wilson traduit de l’anglais par Brice Matthieussent (Editions de poche Babel - Actes Sud octobre 2017).

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