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« Time to act » : Mobiliser contre l’impunité du viol de guerre

par Véronique Giraud
Angelina Jolie en Afrique pour écouter le témoignage de femmes victimes de viol comme arme de guerre. DR
Angelina Jolie en Afrique pour écouter le témoignage de femmes victimes de viol comme arme de guerre. DR
Hors-Champs Société Publié le 10/06/2014
Un sommet international réunit du 10 au 13 juin à Londres des centaines d’experts venus trouver des solutions pratiques et juridiques pour lutter contre l’impunité du viol de guerre. Et en briser le tabou. Pour cette réunion inédite, intitulée Time to act, la France est représentée par la secrétaire d’État à la Francophonie.

« Time to act », c'est le nom du sommet international sans précédent qui se tient aujourd’hui à Londres. Temps d’agir, pour quoi, pour qui ? Pour les victimes du viol pratiqué comme arme de guerre. Ce sommet réunit plus d‘une centaine de représentants gouvernementaux, 48 ministres des affaires étrangères, des experts militaires, des juristes, des victimes aussi.

Coprésidé par le ministre de la diplomatie britannique William Hague et l’actrice américaine Angelina Jolie, ambassadrice à l’ONU, le sommet entend engager concrètement la lutte contre ce crime qui n’est toujours pas considéré comme tel par les législations de nombreux pays et mettre un terme à son usage comme arme de guerre.

Selon les Nations Unies, 36 femmes et filles sont violées chaque jour en République démocratique du Congo, entre 250 000 et 500 000 l’ont été au Rwanda, au moins 50 000 en Bosnie. En Lybie, le viol, des hommes comme des femmes, était une institution sous le régime de Kadhafi, comme le décrit le livre de la journaliste Annick Cojean Les proies dans le harem de Kadhafi (Grasset 2012). Ces chiffres reflètent bien que le viol de guerre est une arme de destruction massive destinée à déstabiliser toute une communauté, le distinguant de celui qui résulte d’une pulsion sexuelle.

 

Un chirurgien belge engagé au Congo. Guy Bernard Cadière le qualifie de « viol avec extrême violence ». Le chirurgien, chef de service à l’hôpital Saint Pierre de Bruxelles témoignait sur France Inter le 9 juin de son engagement humanitaire auprès des victimes. Il se rend une semaine tous les trois mois au Congo, à l’hôpital Panzi qu’a créé le gynécologue-obstétricien Denis Mukwege, devenu son ami. On y soigne les femmes violées et mutilées par des bandes armées guidées par la volonté systématique de détruire le périnée de la femme. Guy Bernard Cadière y exécute des opérations sophistiquées grâce à une technologie spécifique de réparation des vagins et des rectums lorsque les lésions sont très profondes. La cloison recto-vaginale rétablie, la femme est rejetée par la communauté, par son mari, et va enfanter de l’enfant de la honte. La fertilité est la base de la communauté du village. Le mari a perdu toute estime de soi parce qu’il n’a pas su protéger sa femme, sa famille. Las de soigner la femme violée, l'enfant de cette femme lui aussi violé, le docteur Mukwege veut que cela cesse. Il a mis en place un système de prise en charge pour apprendre aux femmes à aimer cet enfant, pour lui donner les moyens par des microcrédits de reprendre une vie sociale, un métier. Le gynécologue, qui gère aujourd’hui une cité, « la cité de la joie », assiste au sommet de Londres.

 

Reconnu par la cour pénale internationale. La juriste internationale Céline Bardet, spécialisée dans les crimes de guerre, y assistera aussi en sa qualité d’expert mondial des questions de justice et de sécurité, principalement dans les zones post-conflits. Sur France Inter, ce 9 juin, elle expliquait que ce sommet a pour particularité d’être " une réunion d’experts avec des questions pratiques, et pour trouver des solutions pragmatiques ". Elle préside l’association française We are not Weapon of War dont le but est d’apporter des solutions pragmatiques et locales aux victimes de guerre. Selon elle, les viols, de femmes et d’hommes, en masse pendant les conflits, « c’est une propagande étatique. Il s’agit de détruire la communauté, de stigmatiser des gens. C’est un outil stratégique de destruction ». Il est important de le considérer « comme un crime international majeur et non plus comme la conséquence inéluctable de tout conflit. C’est l’une des plus grandes injustices de masse aujourd’hui et paradoxalement le plus impuni ».

Depuis la Bosnie, il y eut quelques condamnations, très peu. Le viol, inscrit comme crime dans le droit pénal international, est difficile à prouver. Et il faut beaucoup de temps. Le traumatisme est très grand, les victimes ne peuvent plus parler. Il faut être présent sur le terrain. Des gens sont sur place, aident les victimes. Sans nécessairement de gros budgets. Car l’impunité est dévastatrice : elle montre que le viol n’est pas assez important pour être reconnu. On reconnait les martyrs de la révolution, pas les victimes de viols de guerre. Il est souvent difficile de porter plainte. La police viole également, cela rend difficile de déposer plainte.

Heureuse initiative que cette réunion qui ouvre le chemin vers la justice internationale et peut atteindre ces milliers de victimes de la guerre.

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