espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Entretien > Thomas Jolly : « à l’automne je crée un Richard III »

Thomas Jolly : « à l’automne je crée un Richard III »

par Véronique Giraud
Thomas Jolly aime s'emparer des longs récits et réussit à captiver le public. DR
Thomas Jolly aime s'emparer des longs récits et réussit à captiver le public. DR
Arts vivants Théâtre Publié le 28/04/2015
Thomas Jolly a toujours de belles choses à dire sur le théâtre. C'est désormais avec l'immense succès qu'a rencontré son spectacle Henry VI l'été dernier à Avignon qu'il compose le présent et l'avenir. Son présent est toujours dense et son avenir radieux : il achèvera la trilogie shakespearienne en créant Richard III en octobre, comme il nous l'a confié en primeur.

Quels enseignements pour le théâtre ?

C'est vrai pour le théâtre mais encore plus pour le spectacle Henry VI, jouer est une remise en question quotidienne. Aucune habitude, aucun confort ne se créent, la pièce est tellement peu maîtrisable que chaque représentation est un nécessaire et perpétuel recommencement.

 

Cela vous convient ?

Cela me convient et à la troupe aussi. Nous sommes vraiment dans l'ADN du théâtre. C'est l'expérimentation de l'humanité partagée, sans illusions, sans machinerie rodée. Depuis un an, nous sommes obligés de tout remettre en jeu à chaque représentation. Et ce qui se passe c'est que le public le reçoit avec la même surprise. Dans toutes les salles où nous avons joué, l'enthousiasme a été le même.

Bien sûr le texte est intelligent, les acteurs engagés, nous avons sans doute bien travaillé mais ce que j'ai compris avec Henry VI, et qui est essentiel pour moi, c'est que le théâtre est un des derniers vestiges où l'humanité avouée peut se partager, se voir. Si les théâtres existent depuis si longtemps c'est certainement pour cela.

 

Il semble difficile de reproduire une telle magie…

La durée est en effet un élément clé. J’espère ne pas faire que des spectacles de dix-huit heures, je n’ai pas l’envie de performance. La question qui se pose maintenant c’est, avec un texte plus court, ou avec moins d’acteurs ou moins de souffle épique, comment faire de la représentation un événement qui ne laisse pas le spectateur sortir de la salle sans être un peu modifié, ou s’interrogeant, ou troublé. Comment faire pour que la représentation ne soit pas simplement une consommation. Le théâtre doit faire événement dans la vie du spectateur. Peu importe la durée, l’auteur ou le nombre d’acteurs. Il faut que le théâtre renoue avec le vivant. Et avec le présent.

 

Vous êtes artiste associé au TNB (théâtre national de Bretagne), cela consiste en quoi pour vous ?

Je trouve l’idée plutôt jolie. La France a ceci de particulier qu’il n’y a pas de troupe permanente, hormis La Comédie Française, alors que le théâtre est un art qui se pratique quotidiennement, tout comme la musique ou la danse. Artiste associé, c’est d’abord un accompagnement des productions par le théâtre, un accompagnement financier mais aussi logistique, de conseil, technique. Le TNB est une grande maison de création qui accompagne les projets de leur idée jusqu’à la première. Un artiste associé doit travailler avec l’école du TNB. C’est d’ailleurs très émouvant d’intervenir dans mon ancienne école. C’est à mon tour de transmettre. Non seulement l’art de l’acteur sur le plateau mais aussi ce que veut dire être acteur aujourd’hui. Interroger les élèves sur ce qu’ils vont faire, de quoi ils ont envie, est-ce qu’ils sont singulièrement inscrits sur les plateaux, et dans leur démarche au delà. Veulent-ils être acteurs, metteurs en scène, travailler en collectif. Toutes ces questions je viens de les brasser au cours d’un stage où j’ai animé un atelier sur Sénèque avec eux. C’était passionnant.

En dernier lieu, être artiste associé c’est participer à la vie et au développement du théâtre. De participer à des rendez-vous avec le directeur ou avec le metteur en scène associé. Cet échange permet de bousculer, de contrer ou d’appuyer certains projets. Par exemple en ce moment nous avons mis en place avec le TNB une tournée dans le département d’Ile et Vilaine avec mon premier spectacle Arlequin poli par l’amour. Ce sont des actions menées vers le public : simultanément, deux acteurs de la compagnie travaillaient à la maison du théâtre amateur tandis que je travaillais avec les élèves. Il y a l’idée d’explorer comment une compagnie, ou un metteur en scène, peut être au service du projet d’une maison et comment le projet d’une maison peut servir le projet du metteur en scène.

 

Comment se pose aujourd’hui la question du collectif ?

C’est une question générationnelle. Il me semble que le metteur en scène est en train de s’effacer. Il faut toujours quelqu’un qui dirige, donne la direction, mais j’ai la sensation que notre génération est beaucoup plus dans le partage du travail, dans une hiérarchie plus horizontale. Le metteur en scène, en tant que grand démiurge ou grand manitou de la création, est en train de s’effacer au profit d’un travail plus collectif, plus responsabilisé entre nous.

Ma compagnie La Picola Familia n’est pas un collectif parce que je tiens quand même à l’idée d’une direction artistique claire. Je donne les directions artistiques, ce qui permet d’avoir un projet sur deux à trois années. Mais il existe de plus en plus de collectifs, où il n’y a pas de chef, pas de directeur. Je pense qu’il y a une raison économique, celle aussi de rester ensemble, soudés, en groupe, pour ne plus vivre cette chose très délicate d’être un acteur indépendant, avec la précarité que cela implique. Mais il y a surtout un sens nouveau de la création qui renoue avec des images qu’on a de la troupe. La question de la troupe, du collectif en tout cas est une nouvelle donne dans notre génération, c’est sûr.

 

Quels sont vos projets ?

Je vais être artiste associé au TNS, un théâtre où je vais retrouver Stanislas Nordey, qui a été mon directeur pédagogique. Arlequin poursuit sa tournée, Henry VI l’achèvera en juin pour la reprendre en 2016. Et à l’automne, je monte Richard III.

 

Vous n’en avez donc pas fini avec Shakespeare ?

J’ai essayé de changer de cap. Mais l’histoire est restée en suspens avec Henry VI, j’ai eu comme toujours besoin terminer ce que j’ai commencé. Je monte Richard III pour aboutir. Cette tétralogie aura existé en vrai au moins une fois. Elle sera créée à Rennes, au TNB, le 2 octobre.

 

Henry VI en tournée, mise en scène Thomas Jolly, Cie La Piccola Familia (Cycle 1 = Épisode 1 + Épisode 2
Cycle 2 = Épisode 3 + Épisode 4). 
Odéon, Théâtre de l'Europe, Cycle 1 les 2, 8, 9, 16 mai, Cycle 2 les 3, 10, 14, 17 mai à 14h / Opéra de Rouen Haute-Normandie, Intégrale le 20 juin à 10h / Théâtre de Caen (14), les 14, et 21 novembre - Cycle 1,  les 15 et 22 novembre - Cycle 2 / Equinoxe – Scène nationale de Châteauroux (36), 6 décembre - Cycle 2 / Le Bateau Feu – Scène nationale de Dunkerque (59), 12 décembre - Cycle 2 / NTA – Nouveau Théâtre d'Angers – Centre Dramatique National Pays de la Loire (49), 19 décembre - Cycle 2 / 

 RICHARD III en tournée, mise en scène Thomas Jolly, Cie La Piccola Familia. CRÉATION 2015. Théâtre National de Bretagne, Rennes (35), du 2 au 14 octobre / Les Salins – Scène nationale de Martigues (13), les 5 et 6 novembre / Odéon – Théâtre de l'Europe (75), du 6 janvier au 13 février / Scène Nationale Evreux - Louviers (27), 26 février / L'Onde – Théâtre et Centre d'Art - Vélizy Villacoublay (78), les 18 et 19 mars / Comédie de Caen – Centre Dramatique National de Normandie (14), les 24 et 25 mars / Théâtre Liberté - Toulon (83), les 31 mars et 1 avril / Théâtre National de Toulouse – Midi Pyrénées (31), du 6 au 10 avril / Les Célestins – Théâtre de Lyon (69), du 17 au 20 mai / Théâtre de Cornouaille – Scène nationale de Quimper (29), les 25 et 26 mai.

 

 

 

Partager sur
Fermer