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Mot de passe oublié ?Connu du grand public pour ses nombreux rôles au cinéma et au théâtre, Jacques Gamblin est aussi un auteur qui expérimente un théâtre physique, du burlesque à la poésie du corps. Inspiré de liens d’amitié qu’il noue avec le chorégraphe Bastin Lefèvre (1 heure 23’14 et 7 centièmes) ou avec le navigateur Thomas Coville (Je parle à un homme qui ne tient pas en place). Apposer le mot et l’image est alors son moteur. Il engage cette fois un corps à corps avec Raphaëlle Delaunay au riche parcours de danseuse et chorégraphe. Elle s’est formée à la Royal School of dancing de Londres et à l’École de Danse de l’Opéra de Paris où elle a intégré le corps de Ballet. Interprète majeure de la scène contemporaine, elle danse auprès de Pina Bausch, Jiri Kylian, Alain Platel, Peeping Tom, Alain Buffard, Boris Charmatz, Guillaume Vincent... Depuis 2005, au sein de sa compagnie Traces, elle signe de nombreuses chorégraphies et performances.
Le dialogue extravagant de J et R. Les gestes malaisés de « J » (Jacques), ingénieur en aéronautique décidé à apprendre à danser, sont les premières réponses aux indications de « R » (Raphaëlle), professeure de corps. Inscrits dans un corps vêtu de noir dans un espace blanc immaculé, la maladresse, le manque d’inspiration de J donnent lieu à une chorégraphie inédite qui déclenche les rires. J s’arrête avec des tentatives d’explications vite interrompues par R qui en appelle au corps, et aux sensations générées par l’espace. Mais sentir l’espace, l’habiter, le pénétrer, expérimenter ses limites nécessite une liberté impensable pour J. La confrontation de J et de R fait naître avec humour et poésie un enchainement de scènes qui évoluent, interrogeant notre rapport à l’espace, au corps de l’autre, à la place qu’il occupe, tout en faisant s’entrechoquer deux mondes de la représentation. Les corps de J et de R s’unissent et se repoussent, inventant au fil de leur relation une harmonie imitative, un mimétisme corporel, une curieuse symétrie. Puis, quand Raphaëlle parle et que Jacques danse se crée alors un contrepoint. Lorsque le noir se fait dans la salle, persiste le plaisir d’avoir assisté à une relation nouée sur l’espace scénique.
Un fil poétique. Cette confrontation entre danseuse et comédien, écrite et mise en scène par les deux protagonistes, donne une pièce d’une beauté inattendue, malgré quelques passages où le fil si ténu de la poétique, qui remplace ici le fil narratif, est prêt de se rompre. Les scènes, sans lien évident si ce n’est l’occupation de l’espace et le rapport au corps de l’autre, se succèdent comme des sketchs où la surprise est toujours au rendez-vous, tant l’auteur et l’autrice excellent à nous mener sur des chemins inconnus à notre imaginaire. Ainsi de l’attrait pour l’autre, jeu à la fois sur le contact physique et sur l’éloignement-rapprochement qui crée un désir intime que le spectacle se garde bien de faire tomber dans l’habituel rapport sexuel ou amoureux.
On sort de la salle avec bonheur, bien loin des certitudes qui marquent tant de spectacles à teneur sociale ou documentaire. Comme sur un petit nuage où les rapports avec l’autre se sont soudain parés de délicatesse, d’humour, d’autodérision et de plaisir. Le réel, si souvent assimilé à la vérité, prend ici un goût de liberté, dans le cadre d'un festival décidément bien singulier.
HOP ! Textes, mise en scène, interprétation : Raphaëlle Delaunay, Jacques Gamblin. Collaboration artistique : Emmanuel Daumas. Lumières et dispositif scénique : Eric Soyer. Son : Lucas Lelièvre.
Du 4 au 11 février dans le cadre du festival Les singulier.es au CentQuatre, Paris. Puis en tournée le 23 février, Le Radiant-Bellevue, Caluire et Cuire. Du 3 au 5 mars à Bonlieu – Scène nationale d’Annecy. Le 8 mars au Théâtre de l’Olivier, Istres. Le 10 mars au Théâtre de Grasse. Le 16 mars au Théâtre de Cahors. Le 21 mars à la Maison des Arts du Léman de Thonon-les-Bains. Les 23 et 24 mars au Théâtre TSQY Scène nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines. Le 28 mars
au THEV de Vesoul. Le 31 mars au Théâtre de Coutances.