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Avignon Off : Jérôme Thomas, une vie en suspension

par Véronique Giraud
Assis, le jongleur Jérôme Thomas en vient aux confidences. © Christophe Raynaud de Lage
Assis, le jongleur Jérôme Thomas en vient aux confidences. © Christophe Raynaud de Lage
Arts vivants Cirque Publié le 15/07/2023
C’est dans la cour du musée Vouland que Jérôme Thomas fait son retour. Le grand jongleur, qui accompagne et conçoit des spectacles pour nombre de ses confrères, se lance dans un solo captivant, fait de gestes et de mots, dont lui seul a le secret.

Avec la souplesse et la fluidité du danseur, Jérôme Thomas s’avance doucement vers la lumière et le public. Chaussé de santiags dorées, il n’a d’yeux que pour sa chienne qui trottine à ses côtés. Il la présente : « C’est Pantoufle. Elle débute ». Pour le jongleur qui, après avoir conçu pour d’autres, fait son retour sur scène avec le solo Assis qu'il donne dans le beau jardin du musée Vouland, chaque objet, chaque être compte. De ce qu’il tient dans la main, de ce qui capte son attention, peut naître un numéro. L’accordéoniste Christian Maes ponctue ces envolées, les accompagne, les souligne.

Le voilà assis sur une chaise, qui prend un livre et nous lit quelques phrases d’Ulysse de James Joyce. Cela fait vingt ans qu’il a l’intention de lire ce roman réputé comme un des plus difficiles à pénétrer. Il est enfin arrivé à la 19e page qui suffit à confirmer la beauté incroyable du monde joycien.

 

Né d’un rien. Ses pas dansés le mènent ensuite de l’autre côté de la petite scène carrée qui, tel un tatami, est posée sur les cailloux du jardin. Il s’assoit, enlève sa chaussure dorée, l’observe attentivement, la fait tourner, la soupèse, la tord un peu, puis… la pose en équilibre sur son nez. Il fait penser à Picasso qui, à Vallauris faisait d’une boule d’argile la tête d’un pigeon, puis, en tordant la terre, faisait apparaître sa queue. Après mille et une tentatives, l’excellence de l’art est là. Mais pas seulement, car Jérôme Thomas veut convoquer 45 ans de métier, de passion, et une vie passée à concevoir, à répéter, puis à faire voyager à travers le monde le cirque contemporain naissant. S’adressant au public, il raconte des moments de tournées, quand l’imprévu s’en mêle. On rit, on est touché de recevoir ces confidences si extraordinaires, moins biographiques que notes d’un voyageur éternel.

 

La plume pour écrire et jongler. Puis on regarde l’artiste s’allonger avec à la main une canne surmontée d’une petite boule blanche, jongler assis avec une dizaine de balles qui s’élancent et rebondissent à tout vitesse, accompagner de ses épaules et de ses bras les évolutions d’une grande plume blanche. Une petite plume s’échappe, elle rejoint son doigt, sa tête, son bras, devient moustache. Car Jérôme Thomas ne jongle pas qu’avec des quilles. Le jonglage est, pour lui, un art d’être, de penser, de philosopher. Aussi la plume, les mots, le vide sont-ils sources de ce jeu d’équilibre qui vaut aussi poésie.

Jérôme Thomas a l’humilité des grands. Lui qui est considéré comme le père du jonglage contemporain vient sur scène comme un passant qui a à dire, à montrer, à discuter, à partager. On l’écoute, on le suit, on rit, on est ému, on est captivé.

 

Assis, conception et jonglage de J"rôme Thomas, festival Off, dans le jardin du musée Vouland, du 11 au 16 juillet.

 

 

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