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Mot de passe oublié ?« D’après La Tempête de Shakespeare » annonce une large inscription dès l’entrée de la salle. Et c’est l’histoire de la musique pop avec « pour point de départ », explique la chorégraphe, le titre Walking blues que le chanteur américain Robert Johnson a enregistré en 1936. Jusqu’à Dylan, les Beatles, les Rolling Stones, Hendrix ou Eric Clapton. Les treize danseurs marchent en effet, tournent, reviennent et repartent, le groupe se dissocie, se ressoude, les solos, les duos sont repris. Deux de ces danseurs ont un statut particulier. L’une est Meskerem Mees, une jeune autrice compositrice qui a conçu les chansons dont la Balade de Prospero et l’adaptation de blues créés lors des inondations du Mississipi en 1927 qui sont ainsi mises en perspective avec la tempête emportant le duc de Milan. La flamande d’origine éthiopienne danse également et prend le micro lorsqu’il le faut. L’autre est un danseur-guitariste, Carlos Garbin, dont les quatre belles guitares intriguent lors de l’entrée dans les gradins. La musique est signée Jean-Marie Aerts, ancien guitariste du chanteur rock Arno, décédé l’an dernier.
Un langage chorégraphique qui fait date. Nous sommes là bien loin du travail sur Bach qui a occupé Anne Teresa De Keersmaeker ces dernières années. Mais pas de son langage chorégraphique qui, d’année en année, de création en création, s’affirme comme un moment marquant dans l’histoire de la danse, un de ces sommets qui font date, une référence.
Lorsque la pièce démarre, le public est tout de suite entrainé par ces musiques et, s’il ne tape pas dans ses mains pour marquer le rythme, c’est que la dynamique sur scène emporte plus loin encore dans le mouvement rapide, saccadé, puissant que la chorégraphe belge imprime à la pièce. Son écriture se retrouve dans la gestuelle, mais elle est ici aussi simple et évidente que les pulsions fortes de la pop music.
De la renaissance à la révolte. Avec cette musique cadencée qui ne peut ignorer son origine afro-américaine, sur ce plateau tracé de lignes colorées qui s’éloignent, s’écartent et se rejoignent, les danseuses et danseurs trouvent à la fois la fête, la misère et le malheur qui frappe inlassablement les plus démunis. Mais la musique est là, comme la réunion des corps et une solidarité que le rythme nourrit. Assez pour aujourd’hui renaître, comme l’annonce une phrase lumineuse sur l’écran : Today I am born anew. L’expression de sa condition, de son humanité, des colères face aux injustices, des révoltes aussi qui ne modifient que lentement les choses, sont inscrites dès l’origine dans cette musique et danseuses et danseurs s’en font écho épousant les motifs survoltés, multipliant solos et duos, avant d’en revenir à cette marche sur le plateau, ce mouvement naturel de l’humain, qu’Anne Teresa De Keersmaeker s’est toujours ingénié à chorégraphier.
Exit Abobe. Création chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker pour le festival d’Avignon du jusqu'au 13 juillet. Musique de Jean-Marie Aerts, texte des chansons de Meskerem Mees, guitare de Carlos Garbin.