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L’écailler retrouve le chemin des librairies

par Pierre Magnetto
Avec François Thomazeau, Bruno Richard et Patrick Coulomb, les éditions L’écailler refont surface. © Naja
Avec François Thomazeau, Bruno Richard et Patrick Coulomb, les éditions L’écailler refont surface. © Naja
Livre Publié le 10/04/2024
Fondées à Marseille au début des années 2000, les éditions L’écailler du sud avaient mis la clef sous la porte en 2015. Les voici de retour avec un projet éditorial repensé sous le nom de L’écailler avec la publication depuis novembre de trois premiers romans noirs.  

Ils avaient mis un terme à l’aventure de L’écailler du Sud en 2015 après une quinzaine d’années de bons et loyaux services consacrés pour l’essentiel à la littérature policière, et voilà que 8 ans plus tard selon le vieil adage selon lequel on prend les mêmes et on recommence, L’écailller, amputé de son Sud, renaît de ses cendres. Les écrivains et journalistes François Thomazeau et Patrick Coulomb ont relancé leur maison d’édition en novembre dernier, en publiant Iris en feu, un roman écrit à quatre mains par Clarisse Gorokhoff et Wouter Van der Veen, qui raconte les trois derniers jours de la vie de Van Gogh à Auvers-sur-Oise, vus à travers les yeux d’une prostituée, Iris son dernier amour. Mais l’équipe s’est étoffée avec l’arrivée d’un troisième comparse en la personne de Bruno Richard un « vieux compagnon de route » du duo, organisateur de salons dont le Printemps du polar de Marseille et président de l’association L’écrit du Sud qui a pour vocation la promotion et l’accompagnement des écrivains de la cité phocéenne.

Une ligne éditoriale revisitée Le choix de ce premier titre pour le retour en librairie de L’écailler en dit long sur les intentions éditoriales des éditeurs. On notera que contrairement aux plus de 150 titres publiés pendant la première vie de la maison d’édition, l’intrigue se déroule bien loin de Marseille et que ses auteurs n’ont pas l’accent du Sud, l’une étant parisienne et autrice de plusieurs romans, l’autre néerlandais et directeur scientifique de l’Institut Van Gogh à Auvers. Marseille n’est donc plus le point de passage obligé de L’écailler, de même que le polar n’est plus le genre exclusif des romans publiés. « Quand on a relancé la boîte on avait trouvé une formule. On disait que nous allions publier de la littérature noire qui tend vers le blanc ou de la littérature blanche qui tend vers le noir », s’amuse François Thomazeau. Mais il y avait la crainte de heurter la sensibilité des écrivaines et écrivains de polar qui bataillent pour faire reconnaître le genre comme une littérature à part entière. Alors, tout simplement, L’écailler se revendique comme un éditeur de romans noirs, non pas qu’il y ait nécessairement des flics et des voyous dans ses bouquins mais parce que le trio souhaite « publier une littérature qui nous paît, en prise avec la noirceur du monde et des enjeux sociaux et sociétaux. » « En résumé, vous êtes un éditeur de littérature », leur a dit leur distributeur de la maison Pollen à l’exposé du projet, plutôt encourageant pour le trio : « permettre à des textes d’exister auprès du public c’est quand même assez fabuleux pour les auteurs, pour les libraires, pour les lecteurs ».

La fleur au fusil mais avec de la bouteille Si L’écailler du Sud a mis la clef sous la porte en 2015 ce n’était pourtant pas pour avoir forcé sur la fibre marseillaise, mais plutôt pour avoir traversé une crise de développement et aussi par lassitude. « Nous avons toujours travaillé de manière professionnelle mais avec des moyens d’amateurs », se souvient François Thomazeau. Résultat si de l’auteur au libraire toute la chaîne était rémunérée, le duo intervenait à titre bénévole. Une charge de travail à assumer tout en menant de front leur travail de journaliste et sans en tirer aucun revenu. Huit ans plus tard les temps ont changé, Patrick Coulomb qui entre temps a lancé sa maison d’édition Melmac est devenu un jeune retraité, tout comme Bruno Richard, ce qui leur donne du temps disponible. Mais il ne s’agit pas non plus de reproduire les erreurs du passé. « C’est vrai que l’on repart la fleur au fusil mais nous avons acquis de l’expérience, nous avons un peu plus de moyens, nous connaissons mieux le marché qui est plus compétitif qu’à l’époque. Bref, on a pris de la bouteille ».

Comme un label musical indépendant La maison entend publier 6 à 8 livres par an, c’est le bon rythme pour laisser le temps à chaque bouquin de trouver sa place, de vivre sa vie : « si tu sors 4 bouquins par an tu as du mal à exister auprès des libraires, si tu en sors trop tu les satures ». Fini le temps où L’écailler du Sud publiait 15 à 20 ouvrages par an. De leur aveu-même, les éditeurs ne s’attendent pas à faire fortune. Comparés aux groupes de Vincent Bolloré et Daniel Krétinsky qui contrôlent près de 80% du chiffre d’affaires de l’édition en France, ils resteront à l’édition ce qu’un label musical indépendant est à une major comme Universal Music. « Notre motivation est de sortir des trucs biens, nouveaux et intéressants, pas de faire de l’argent mais quand même de ne pas en perdre », confie François Thomazeau. Mais L’écailler mise aussi sur les produits dérivés : des BD, des séries ou films, des rééditions en poche dont pourraient faire l’objet certains de leurs titres pour générer des recettes nouvelles.

Les premières parutions Depuis Iris en feu L’écailler a publié Maeve, premier roman repris en Français d’une jeune autrice de Los Angeles, CJ Leede. A travers un roman aux accents gore qui n’est pas sans évoquer l’univers d’American psycho de Bret Easton Ellis , l’autrice aborde les thèmes du paraitre et des apparences, de la transmission intergénérationnelle, de l'amour et de l'amitié, de la violence gratuite. Plus récemment est sorti La reine des sirènes, de François Thomazeau lui-même, dont l’action de situe à Cadaquès, village situé sur la Costa Brava réputé entre-autre pour abriter la maison de Salvador Dali. L’intrigue qui puise ses racines dans la guerre civile en Espagne, se présente à la fois comme un thriller, un conte fantastique et une dystopie d’une brûlante actualité. D’autres titres sont à venir.

 

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Avec François Thomazeau, Bruno Richard et Patrick Coulomb, les éditions L’écailler refont surface. © Naja
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