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Mot de passe oublié ?Fille de l’acteur Lewis Arquette, Patricia a grandi dans une communauté hippie entourée de ses quatre frères et sœurs. Lors de la masterclass qu’elle a donnée au festival Séries Mania, en mars dernier à Lille, elle a raconté comment cette éducation leur a donné la fibre artistique très tôt : « Je pense que l’art était présent dans ma vie avant même que je sois née ». Il y avait toujours de quoi jouer et créer, ce qui leur a permis de construire leur imagination. Le métier d’acteur n’avait cependant rien de glamour pour une fratrie qui voyait son père trimer pour obtenir des auditions et ne pas toujours avoir de rôles. Patricia avoue cependant en avoir rêvé, regardant les Oscars et s’imaginant donner des speechs de remerciement sous sa douche. Patricia Arquette exprime sa sensation d’avoir passé sa vie à apprendre son art. Contre l’avis de sa mère, sa sœur Rosanna lui paie ses premiers cours de théâtre à 17 ans.
Son enfance n’a pas pour autant été idyllique, elle confie avoir été témoin de violences, notamment entre ses parents. Ce vécu lui sert à interpréter des rôles très durs, comme dans True Romance, où elle demandé à ses partenaires de scène d’improviser avec des phrases qu’elle avait entendu son père dire à sa mère. Elle a alors l’impression d’apporter une représentation à des personnes qui pourraient traverser la même chose.
Elle débute dans des films comme Freddie les Griffes de la Nuit III et autres films d’horreur, mais un ami réalisateur lui conseille de ne pas se laisser enfermer dans un type de rôle et de tenter autre chose pour ne pas gâcher son talent. C’est ce qu’elle fait, jouant toujours des rôles différents dans des films de tous genres. Elle a également dû renoncer à certains rôles, notamment pour ne pas être brusquée pendant sa grossesse, et pense que « une carrière est également faite des rôles qu’on refuse ».
Timide de nature, elle n’était pas toujours à l’aise dans son corps, ce qui l’a poussée à faire Lost Highway pour sortir de sa zone de confort. Elle raconte aujourd’hui adorer travailler avec David Lynch, qui laisse beaucoup de liberté à ses acteurs, et fait en sorte que le plateau soit un lieu de travail sain, et qu’elle s’y sente à l’aise. Patricia partage que lors d’une scène dans laquelle elle devait faire un strip-tease, elle a entendu certains des acteurs dire du mal d’elle. Elle l’a partagé avec le réalisateur, qui lui a demandé de sortir du plateau. Lorsqu’elle est revenue, tous les acteurs avaient les yeux baissés de honte et elle a compris qu’il les avait sermonnés. En revoyant les images aujourd’hui, elle réalise que même si elle n’était pas le « corps de rêve de l’époque » elle n’avait « pas pris un très grand risque ». Elle parle alors des standards de beauté et des attentes qui peuvent faire se sentir grosses ou laides des actrices magnifiques.
Retour sur plateaux de série. Au plus haut de sa carrière, Patricia Arquette retourne vers la télévision en 2005, ce qui était très rare à l’époque. « Je me suis dit : pourquoi pas ? ». Les personnes en difficulté financière ne pouvant pas forcément aller au cinéma, elle pourrait ainsi jouer pour eux, chez eux. Elle avoue cependant que le rythme étant différent, elle s’est retrouvée confrontée à des difficultés qu’elle ne rencontrait pas au cinéma, comme apprendre les textes beaucoup plus vite et devoir se mettre dans la peau du personnage en quelques secondes. Pour son rôle d’Allison Dubois dans Médium, les producteurs lui ont demandé de perdre du poids. « Heureusement, à l’époque, j’avais assez de pouvoir pour dire non » partage-t-elle, ajoutant qu’il s’agissait d’une mère de trois enfants, aimée de son mari, et qu’elle correspondait à ce rôle dans son corps naturel. « Regardez autour de vous : les gens ne sont pas pareils à la télé et dans la vraie vie. » Elle s’offusque que les femmes deviennent invisibles à Hollywood passé un certain âge.
En 2009, c’est sur Médium que l’actrice passe derrière la caméra pour la première fois, en réalisant deux épisodes. Elle n’a cependant pas complètement interrompu sa carrière au cinéma, à raison d’un film tous les deux ans, au minimum. Et c’est en 2023 qu’elle réalise son premier long métrage, Gonzo Girl. Elle partage aujourd’hui que réaliser est bien moins simple qu’elle ne l’avait cru, mais que son expérience d’actrice lui permettait de savoir comment donner l’espace de jeu aux acteurs. Elle fait ainsi passer le jeu avant tout sur le tournage.
Oscar et militantisme. En 2014 sort le film Boyhood, qui vaudra à Patricia Arquette l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. Le film a été tourné une semaine par an sur 12 ans. Contractuellement, un challenge énorme, car chaque année l’équipe ne savait pas s’il y aurait encore des fonds pour venir à bout du projet. L’actrice explique que chaque année, tous se revoyaient et au fil des ans, certains se sont mariés, d’autres ont eu des enfants… si bien que ceux qui étaient engagés en tant qu’assistants techniques étaient, au bout des 12 ans, réputés dans le milieu, mais revenaient tout de même une semaine par an pour être assistants sur le tournage.
Lors de son speech aux Oscars, l’actrice engagée a dénoncé le manque de parité salariale, lançant un mouvement qui donne reconnaissance au problème. Si bien que lorsque la loi fut représentée après un premier rejet, elle est adoptée. Sa sœur est également l’une des premières à avoir parlé au sujet de l’affaire Weinstein. Patricia, très vigilante sur les agressions dans le milieu du cinéma, affirme clairement : « Quand on est enfant, les adultes sont sensés savoir qu’on n’est qu’un enfant ».
Malgré les inégalités toujours présentes dans cette industrie, l’actrice reconnaît « C’est toujours un cadeau d’obtenir un rôle ».
Festival Séries Mania, Lille 2024. Masterclass de Patricia Arquette. Disponible sur la chaîne YouTube de Séries Mania.