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Printemps des comédiens : « Platonov », le film

par Véronique Giraud
Cinéma Film Publié le 02/06/2024
Cyril Teste a toujours voulu faire du cinéma. La chaîne Arte, séduite par son process de performance filmique pour le théâtre, lui en a donné l'opportunité. "Sur l'autre rive", librement inspiré de Platonov, a été projeté en avant-première au Printemps des Comédiens. Avant d'être visible sur Arte.

Le texte qu'écrit Tchekhov à 18 ans n’a pas convaincu. Longtemps disparu, il ne fut publié qu'en 1920 et la traduction pose bien des interrogations. Quand Cyril Teste lit Platonov en 2021, il a 39° de fièvre. Confiné par le Covid dans la grande maison de Jacques Copeau, il ne comprend pas les personnages mais a l’intuition qu'en naîtra un projet : « Je défie quiconque de comprendre ce texte. Pour moi, ce n’est pas un texte de théâtre, c’est une pièce fiévreuse, maladive. Après l'avoir lue j’ai compris que j’avais la même température que la pièce.» Au même moment, le metteur en scène est approché par Arte, que son adaptation de La Mouette a séduit et qui lui propose de réaliser un film pour la chaîne, produit par les films du Poisson. N’étant pas sûr qu’une telle opportunité se reproduise, Teste saisit la balle au bond, alors qu’il était en pleine préparation de la pièce de théâtre. Il accepte, mais pose ses conditions : le tournage se fera dans la maison Jacques Copeau de Pernand Vergelesses, les acteurs seront les comédiens avec lesquels il aime travailler, et il aura carte blanche pour la réalisation. Ceci acquis, c’est dans l’urgence que se fera le tournage de Sur l’autre rive. « Avec toute mon équipe on s’est enfermé un mois là-bas et on a performé pendant trois semaines avec nos caméras, jour et nuit. »

 

Caméra au poing. Ce dimanche 2 juin, dans le cadre du festival Le Printemps des Comédiens à Montpellier, le long-métrage est projeté devant le public. L'immense écran est installé sur le plateau du théâtre Jean-Claude Carrière devant des spectateurs qui, pour la plupart, ont assisté à la pièce éponyme donnée les 30, 31 mai et le 1er juin dans l’amphithéâtre d’O, tout près. Dans le noir, apparaît la belle façade de la maison Jacques Copeau. C’est dans son jardin et dans ses pièces de réception que seront filmés pendan trois semaines les comédiens et la trentaine de villageois venus participer à la fête, à l’invitation de la belle veuve Anna (Olivia Corsini), dont les biens sont hypothéqués. Les nappes blanches recouvrent de grandes tables, les serviteurs s’activent, les bouquets de fleurs viennent embellir le moment, la musique occupe l’espace qui se remplit vite des invités. Famille et amis se retrouvent pour un soir. Les apartés et les altercations rendent le moment électrique. L’alcool aidant, les langues se délient, le ton monte vite, les sous-entendus font planer le drame. Les caméras saisissent les visages. Caméra au poing, Serge (interprété magnifiquement par Mathias Labelle) court d’un être à un autre pour saisir ce qui pourrait devenir un beau souvenir de fête, avant d’abandonner l’appareil pour se concentrer sur ses propres émotions. Comme toujours avec Cyril Teste, les caméras volent, frôlent les épaules, caressent les visages, saisissent les regards échangés, captent des apartés d’une grande violence. La beauté de la maison, la douceur des rideaux blancs voletant, la décoration précieuse dialoguent aussi. Personnages et maison ne font qu’un, un flacon de parfum posé sur une cheminée qu’un comédien débouche pour en humer la fragrance, Anna debout au milieu du bassin du jardin, les enfants couchés sur un lit écoutant Sacha (Haini Wang) leur lire une histoire, un baiser volé dans la salle à manger… Tout fait corps.

 

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