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Montpellier Danse : De Keersmaeker, quatre saisons en liberté

par Jacques Moulins
"Il Cimento dell Armonia" par la compagnie Rosas d'Anna Teresa de Keersmaeker. © Anne Van Aerschot
Arts vivants Danse Publié le 02/07/2024
S’attaquer à une composition musicale qui a structuré l’oreille des Européens depuis des siècles n’est pas chose aisée. Avec Il cimento dell’armonia e dell’inventione, Anne Teresa De Keersmaeker et Radouan Mriziga, entraine les Quatre Saisons de Vivaldi dans leur ère de liberté.

Il y a 20 ans, la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker fondait le Performing Arts Research and Training Studios (P.A.R.T.S.) avec le théâtre de La Monnaie de Bruxelles et Theo Van Rompay, remplacé en 2020 par Charlotte Vandevyver. L’école, qui délivre des diplômes en deux ou trois ans, est devenu un vivier de danseurs, danseuses et chorégraphes. Montpellier Danse a ainsi accueilli cette année Mette Ingvarsten et Manon Santkin, cette dernière, après avoir été élève, étant enseignante à P.A.R.T.S.,

Dans sa dernière pièce Il cimento dell’armonia e dell’inventione, créée en mai dernier à Bruxelles, la chorégraphe belge a fait appel à ses élèves ou anciens élèves autant pour danser que pour co-créer une chorégraphie signée avec Radouan Mriziga.  Elle avait déjà travaillé avec l’artiste marocain sur  3ird5@w9rk en 2020 et aime les collaborations, comme l’an dernier à Avignon pour sa pièce Exit Above avec cette fois poète et musicien.

 

Le goût pour la musique baroque. Cela n’empêche pas la chorégraphe, actuellement empêtrée dans des accusations de harcèlement et d’autoritarisme portées par des membres de sa compagnie Rosas, de donner le tempo. Ses chorégraphies irradient son école et son goût pour la musique baroque a pris une nouvelle fois forme sur la scène de La Comédie de Montpellier. De Keersmaeker avait déjà multiplié ses travaux sur Bach, les Concertos brandebourgeois ou les Variations Goldberg jusqu’à réaliser l’an dernier un film sur les Six Suites pour violoncelle seul avec le musicien Jean-Guihen Queyras, qui ne cache pas son admiration pour la capacité de la chorégraphe à initier un langage libre et pourtant structurellement en rapport avec la musique. Après Bach, Heinrich Ignaz Franz Biber, musicien moins connu mais tout aussi baroque, a retenu son attention en 2022. Et cette année, c’est Antonio Vivaldi qu’a choisi la chorégraphe pour sa création.

 

Liberté et humanisme contemporains. Il cimento dell’armonia e dell’inventione, est en effet largement structuré par les Quatre Saisons. C’est pourtant sans musique que la pièce débute sur un long solo d’un danseur vêtu d’une culotte à bord doré très XVIIIe siècle et d’une gilet long en voile transparent. La gestuelle et la façon d’occuper l’espace sont déjà amorcées et disent aussi que la chorégraphie ne se veut pas une soumission des corps à la musique du compositeur vénitien. Cette dernière est en effet suffisamment forte et connue du public pour imposer sa structure à la danse, la rythmer, la phagocyter. Si les quatre danseurs qui occupent la scène en groupe, en duo ou en solo, répondent souvent aux injonctions d’une musique qui façonnent depuis des siècles notre oreille et notre imaginaire, la pièce n’en affirme pas moins sa liberté, jouant d’autres langages, comme le hip-hop, le disco, et la poésie d’Asmaa Jama, mais sans opposition à la structure narrative des Quatre Saisons dont deux danseurs vont, dans le silence, reproduire par battements de pieds le passage le plus apprécié. Ces appels à d’autres formes esthétiques sont magnifiquement gérés, ne venant jamais provoquer et moins encore insulter la musique baroque. Elles confèrent plutôt à cet espace de liberté et d’humanisme résolument contemporain qui a emporté la salle.

 

 

Il cimento dell’armonia e dell’inventione, d’ Anne Teresa De Keersmaeker et Radouan Mriziga sur les Quatre saisons de Vivaldi. Montpellier Danse, Opéra Comédie les 1er et 2 juillet. Créé avec et dansé par : Boštjan Antončič, Nassim Baddag, Lav Crnčević, José Paulo dos Santos.

En tournée en juillet à Vienne, en août au Festival de Basel, en septembre au Festival d’automne de Paris, en octobre au Festspiele de Berlin, en novembre à Anvers, en décembre à Amsterdam, puis à Deinze (Belgique), Breda (Pays-Bas) et en avril 2025 à Rennes.

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