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Mot de passe oublié ?L’idée de départ de Los dias afuera est née derrière les barreaux d’une prison argentine pour femmes où Lola Arias animait des ateliers de théâtre et de cinéma. Dans ce pays plus encore que dans le reste du monde, c’est la misère, l’absence de services publics, les inégalités sociales, le sexisme, la corruption et la violence vécue depuis l’enfance qui sont les principales causes de l’emprisonnement. Les prisonnières sont adolescentes lorsqu’elles sont condamnées pour la première fois à la prison et le cycle s’enchaîne sans aucune perspective de s’en sortir. S’ajoute l’injustice suprême qui conduit les magistrats à condamner lourdement les consommateurs de drogue et les petites mains alors que les trafiquants vivent royalement dans leurs fiefs.
Dans ces conditions, il n’est guère besoin de chercher bien loin pour faire théâtre, les récits des prisonnières et des transgenres réunis par Lola Arias ont en soi une force assez grande pour bâtir une dramaturgie autour de leur biographie.
Le récit des « jours dehors ». Il faut néanmoins construire une fiction, faire des choix de dramaturgie. Le Covid ayant bloqué le projet, Lola Arias a commencé par faire un film, Reas, plus axé sur la période carcérale des acteurs et actrices. Il est lui aussi diffusé à Avignon. Puis est venue l’invitation du festival, alors l’équipe s’est remise au travail, envisageant dès lors de centrer le récit sur les témoignages de la période hors carcérale de ces personnes qui très souvent ne cessent d’entrer et de sortir des centres pénitentiaires. On imagine aisément que cette liberté, ces « jours dehors » comme l’indique le titre, ne sont pas des jours aisés. Retrouver les enfants, chercher un travail et le garder, sont les préoccupations premières dont la pièce témoigne à travers les expériences de Carla, Estefania, Nacho, Noelia, Paula et Yoseli.
La comédie musicale s’est imposée comme la forme théâtrale la plus adéquate pour ce projet. Celle qui assurait une distance assez grande entre la dramaturgie et le réel pour permettre aux comédiens et comédiennes d’interpréter leur rôle. Avec l’aide d’une musicienne Inés Coppertino qui joue sur scène de la guitare, de la batterie et du piano, l’équipe a dû travailler durement pour acquérir le niveau nécessaire en danse et en jeu théâtral, mais aussi pour écrire le texte qui, de témoignages est devenu répliques théâtrales. Toute la puissance de l’art qui, comme le note justement Lola Arias « leur permet de réécrire leur destin ».
Vous l’aurez compris, la comédie musicale n’a rien à voir avec les productions de Broadway, l’exigence technique est moins importante, le produit moins lissé mais porteur d’une qualité unique : une émotion gigantesque qui a gagné la salle, et Yoseli qui, au milieu de l’ultime tirade lors de la première représentation de la pièce, n’a pu retenir ses larmes. Une émotion qui trace aussi la limite du genre.
Los dias afuera, de Lola Arias. Festival d’Avignon, à l’Opéra Grand Avignon du 4 au 10 juillet. La pièce tourne ensuite à Barcelone, Hambourg, Zurich, Basel, Berlin, Sankt Pölten, Oslo, Bruxelles, Anvers, Genève et Francfort et en octobre à Paris et Lyon, en novembre à Créteil, Villeneuve d’Ascq et Angers, en décembre à Bayonne et Tarbes. Puis, en 2025 à Arras, Strasbourg, Bordeaux et Orléans.