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Avignon : les peuples autochtones d’Argentine ravivés par Soliloquio

par Véronique Giraud
Soliloquio, Tiziano Cruz, 2024 © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
Soliloquio, Tiziano Cruz, 2024 © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
Arts vivants Performance Publié le 12/07/2024
Avec Soliloquio, Tiziano Cruz se met à nu. Dans l’espace public d’abord, avec les populations autochtones de la région d’Argentine dont il est originaire, et de communautés gitanes d'Avignon. Puis dans une salle où, seul en scène, il compose son portrait avec les 58 lettres qu’il a adressées à sa mère pendant le confinement.

Pour Tiziano Cruz, tout commence en 2015, avec la mort à 18 ans de sa sœur des suites d’une négligence médicale. L’artiste prend alors conscience de la discrimination des autochtones par le système de pouvoir argentin. Invité du Festival d’Avignon, Tiziano Cruz donne rendez-vous dans la rue et propose de le suivre dans une déambulation, prenant la tête d’un cortège composé des neuf communautés – tziganes et sud-américaines – réunies dans la région d’Argentine d’où il vient. Le public suit donc cette joyeuse bande qui danse, chante et joue de la musique. Une bande aux costumes bigarrés qui reflètent folklores et traditions culturelles dont Tiziano, toujours souriant, revendique qu’ils font l’unité d’un peuple. Dans un entretien, l’artiste explique que « lorsqu’on évoque le théâtre de Buenos Aires ou le théâtre du Nord, on met souvent l’accent sur des différences, des lieux et des espaces spécifiques » et poursuit en affirmant que « toutes ces pseudo-différences sont en réalité régies par un même modèle aristotélicien qui impose, quoi qu’il arrive, les mêmes règles. Nous le portons en nous, de façon inconsciente : c’est le fruit de la colonisation ». La forme que Tiziano propose est l’adresse spontanée au public, une adresse très politique destinée à poser le question de la place d'un corps indigène dans la société d'aujourd'hui.

 

Porte-voix du corps indigène. Premier arrêt dans le jardin de Mons, où Tiziano Cruz prend la parole, ses propos sont traduits en français par une comparse. Muni d’un haut-parleur, il sa fait activiste, se racontant sans détours, souffrant d’être oublié, invisibilisé, comme le sont bien des communautés autochtones du nord de l’Argentine, déplorant d’être homosexuel dans un pays oppresseur. Suivent un état des lieux des nombreuses discriminations qui ont court en Argentine, et la réalité des migrations de ces populations.

Condamné à rester des mois à Buenos-Aires, où il était parti travailler au ministère de la culture, il ressent l'angoisse de ne rien laisser de lui et de son peuple si le virus du Covid les décimait. Il entreprend alors d'écrire à sa mère avec laquelle les relations sont coupées, poussé par le désir de lui pardonner de l’avoir laissé seul, de l'avoir condamné à vivre dans la rue, elle-même devant travailler dur et loin pour apporter quelques revenus du foyer. C'est à partir de ses 58 lettres, de ses souvenirs d'enfance, de l'image de son père biologique, qu'est né un seul en scène autobiographique bouleversant.

 

Travailler avec les communautés. Dans l’entretien accordé au festival, il regrette que « notre monde de l’art (est) devenu élitiste au lieu d’être resté à la portée de toutes et de tous ». Et explique que « le point de départ de Soliloquio est un travail avec des communautés autochtones et migratoires. J’ai l’habitude de travailler avec les communautés d’Amérique du Sud, en particulier celles de ma région natale, en Argentine, mais aussi avec celles du Brésil, ou encore des migrants, des diasporas installées à Buenos Aires. En Avignon, j’ai travaillé avec une communauté gitane qui habite à la périphérie de la ville, afin de créer des échanges et tenter d’abattre ces murs qui séparent le centre d’Avignon de sa périphérie. Il y a une fracture entre l’espace public, celui de la rue, et l’espace privé ».

Ce regard extérieur de Tiziano vient fort à propos en ces temps d'élections où les frontières et les oppositions ont régi le quotidien en France. Où les camps se sont formés, affirmés, jusqu'à déchirer la communauté. Où les oubliés sont restés dans l'oubli. L’expérience de Soliloquio, ce passage de la rue au théâtre, de l’Argentine du nord et des communautés locales au confort bourgeois, tient autant du tragique que de la nécessité de ne jamais baisser les bras. De les ouvrir grand.

 

Soliloquio, Avec Tiziano Cruz et la participation d’amateurs de l'association Alma Gitana, France Amérique Latine Vaucluse, Contraluz et Gipsy Mariano Los Cortes (musiciens). Texte et mise en scène Tiziano Cruz. Traduction pour le surtitrage Vy-Dan Savelieff (français). Depuis le cour Jean Jaurès au Gymnase du lycée Mistral

 

 

 

 

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