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Miss Tic a les honneurs du Palais des Papes

par Véronique Giraud
Miss.Tic ©Artsper
Miss.Tic ©Artsper
Arts visuels Arts plastiques Publié le 20/05/2024
Après les constructions d’Éva Jospin l’été dernier, les murs du Palais des Papes invitent les pochoirs avec lesquels Miss.Tic, graffeuse disparue en 2022, n’a cessé de coller dans les rues de Paris et d'ailleurs. Jeux de mots et d'amour résonnent malicieusement dans ce haut-lieu de la religion catholique.

Rares sont les quartiers de Paris dont les murs n’ont pas été investis des élégants collages de Miss. Tic pour un temps plus ou moins long. A un procès intenté contre elle pour avoir utilisé comme cimaise un mur interdit, elle réagissait en disant : « Je n’ai pas beaucoup de regrets, parce que quand même je m’offre la plus belle galerie du monde, Paris ». C’est la rue que cette artiste avait choisie dès 1980 pour s’exprimer de façon simple et percutante : quelques mots de son élégante écriture apposés à une grande silhouette féminine aux cheveux noirs et longs. Ce furent d’abord des autoportraits puis des figures reprenant « l’image des femmes qu’on nous donne à voir dans la publicité, dans les médias » expliquait-elle. Miss.Tic avait malicieusement choisi comme pseudo le nom de « la petite sorcière qui essaye de piquer à Picsou son sou porte-bonheur ». L’exposition À la vie, à l’amor, organisée au Palais des Papes d'Avignon, donne à voir et à lire une femme libre d’aujourd’hui.

 

Une écriture féminissime et décomplexée. Au fil du temps, ses graffs soignés, exécutés au pochoir, étaient reconnaissables du premier coup d’œil. De ses mots bombés sur les murs en rouge et noir, Miss.Tic a su faire coller l’inconscient féminin avec la poésie et l’humour : « De mes frasques je fais des fresques » ou encore « Avec les années, l’amour se fait plus chair ». Les réflexions qu’elle a martelées pendant quarante ans sur les murs lui venaient de son désir de vivre et d’exister aux yeux de tous, de sa rage aussi, « Tu ne perds rien pour m’attendre », faisant fi de l’éphémère. Captés sans prévenir au gré d’une balade, ses messages-slogans ont percuté, fait sourire, penser, comprendre d’où venait sa révolte, admirer son trait énergique et succinct, sans jamais être réducteur ni facile. Sans jamais blesser non plus. Cette pionnière de l’art urbain encore largement dominé par les hommes a su défier les stéréotypes et s’est singularisée, imposant une écriture féminissime et décomplexée. Ne se privant pas de jeux de mots bien pensés comme « J’enfile l’art mur pour bombarder des mots cœurs ». Elle a injecté de son esprit et de sa ténacité un processus qui a fait son œuvre autant dans l’esprit du passant que dans celui des artistes, femmes et hommes.

 

L’hommage qui est rendu à Miss.Tic dans ce palais construit par et pour la papauté réitère l’ironie du temps. Celle qui n’a eu de cesse de transgresser l’ordre établi, de s’exprimer par des corps féminins désirables, de développer un art populaire, a aujourd’hui l’honneur d’être accueillie entre les murs moyenâgeux dont certains sont encore recouverts des pieuses fresques commandées par Clément VI à Matteo Giovanetti, parmi lesquelles il serait vain de tenter de chercher un portrait de femme.

 

Exposition A la vie, à l’amor - Art dans la ville, poétique de la révolte (1985 – 2022) de l’artiste Miss Tic. Du 27 juin 2024 au 5 janvier 2025 au Palais des Papes.

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