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Rivesaltes, mémoire des familles Nomades internées en 1941-1942

par Véronique Giraud
L'exposition Le camp des familles éclaire les conditions de l'internement des Tsiganes à Rivesaltes. © DR
L'exposition Le camp des familles éclaire les conditions de l'internement des Tsiganes à Rivesaltes. © DR
Le camp de Rivesaltes, un lieu de mémoire et de créations. ©Rivaud-NAJA
Le camp de Rivesaltes, un lieu de mémoire et de créations. ©Rivaud-NAJA
Hors-Champs Société Publié le 04/10/2024
Longtemps restée dans l'ombre, l'histoire de l'internement des populations nomades au camp de Rivesaltes fait aujourd'hui l'objet d'une exposition édifiante. Au côté des documents biographiques du mémorial, les créations de deux artistes contemporains, eux-mêmes voyageurs, prolongent ce travail de mémoire.

Le camp de Rivesaltes, qui fut successivement camp d'internement, de déportation et de transit pour 60 000 républicains espagnols, Juifs étrangers, Tsiganes français, harkis groupés dans des baraques entre 1939 et 1964, est aujourd'hui un haut lieu de mémoire. Son mémorial, ouvert à tous les publics, aux scolaires en particulier, est devenu le lieu emblématique et sensible d’une transmission de l'internement.

Parmi les internés de ce camp des Pyrénées Orientales, les familles Nomades. Persécutées, souvent déportées, ces familles n'avaient jamais fait l'objet d'une exposition sur la prériode de janvier 1941 à novembre 1942. La direction du mémorial la réalise enfin, prenant le soin de la construire avec le Mémorial des Nomades de France et l’Association Nationale des Gens du voyage Citoyens, pour qu'elle soit au plus proche de la réalité vécue en ces lieux. En témoignent des photos, des archives, de nombreux documents administratifs parmi lesquels les fiches de renseignements policiers. Quand la directrice du mémorial a proposé à Marina Rosselle, elle-même voyageuse, d'éclairer l’exposition de ses propres créations, ce fichage systématique a ravivé un temps la colère de l'artiste, avant de ressentir une énergie nouvelle pour transmettre aux nouvelles générations. Marina le sait, ce fichage des communautés nomades est toujours en vigueur au XXIe siècle. Une frayeur l'a saisie devant celles de Rivesaltes : « tout peut recommencer » dit-elle de sa voix douce.

 

Pour répondre à l’invitation du mémorial, Marina Rosselle a sélectionné une partie de ses œuvres, troublantes installations, gravures, œuvres vidéo et sonores. Le lieu lui en a inspiré d’autres dans lesquelles apparaissent les visages de femmes photographiées, celui aussi de sa grand-mère regardant le passé à travers la fenêtre de sa caravane. Son aïeule n’a pas été internée à Rivesaltes, mais c’est l’histoire des gens du voyage qui est contée à Rivesaltes, et sa famille en fait partie. La famille, noyau fédérateur, terre et culture communes par-delà les frontières et le temps. Ses installations-sculptures, composées de gravure sur cuivre, de cuir, verre, métal, végétaux, bois brûlé, des matériaux récupérés formant des architectures de l’invisible, des lieux sans identité d’une possible vie, des lieux de peu d’où l'expulsion laisse d'infimes traces matérielles, mais que la vie, la joie, la peur ont conquis un temps et restent dans les mémoires familiales.

Au-dessus du mémorial que l’architecte Rudy Riciotti a respectueusement conçu sous terre, seules les ruines des baraques du camp forment un relief dans cette vallée couverte de garrigue. Elles sont aujourd’hui investies par une pauvre végétation, rappelant aux yeux de tous les souffrances infligées aux populations condamnées.

 

Le camp des familles, persécutions et internement des Nomades à Rivesaltes. Exposition au mémorial du camp de Rivesaltes en dialogue intergénérationnel avec les créations de deux artistes contemporains, Marina Rosselle et Romuald Jandolo, et le travail artistique de Louis Burkler, ancien interné de Rivesaltes. Jusqu'au 14 février 2025.

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ENTRETIEN AVEC L'ARTISTE MARINA ROSSELLE
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