Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous
Mot de passe oublié ?Alice Laloy donne à voir la mise en scène théâtrale quand elle est le fait d'un poète, d'un artiste. Manipulation d’objets, d'acteurs, de danseurs, de marionnettes, de costumes, d’espace, d'atmosphère… Avec Le Ring de Katharsy, son dernier opus, elle confronte d'emblée le spectateur à une curieuse et énorme machine noire recouvrant presque toute la scène. Posée sur le plateau du magnifique théâtre national Populaire de Villeurbanne où la pièce est créée, elle ne dépareille avec l’architecture de ce qui fut à l’origine le palais du travail du quartier dit des gratte-ciel. Le bâtiment est devenu un théâtre qui « sert à divertir les gens et à mieux comprendre le monde autour de nous par l'interprétation théâtrale de la vie » comme il est écrit dans son historique.
Les jouets d’une compétition. Dans la grande salle, le public intrigué attend de cette puissante et complexe ingénierie. Mais la machine monte, libère la scène pour la surplomber et sans doute laisser place à l’humain, au vivant. Or ce qui suit trouble l’idée même d’humain, de vivant. Deux personnages apportent ce qui ressemble à des mannequins désarticulés, les assoient sur un banc avant d'aller tracer deux lignes blanches délimitant une immense aire de jeu carrée, celle d'un ring, du Ring de Katharsy. C'est de part et d'autre de cette frontière symbolique que six êtres, transformés en avatars, vont devenir les jouets d’une compétition entre deux joueurs assis de part et d'autre. Les scores s'affichent sur deux écrans. Le combat est rude, les six pantins aux postures mécaniques, aux gestes saccadés, sont contraints à des contorsions prodigieuses pour, dans un premier temps, répondre aux ordres enragés des deux gamers. Jusqu'à ce que la machine déraille ou qu'un relent d'humanité tente de prendre le dessus.
L'illusion du dessin. Il y a du Bob Wilson dans l’image hiératique que renvoie, en fond de scène, une chanteuse dont les vocalises ajoutent une dimension opératique. Du haut de sa robe surdimensionnée, elle domine le jeu et, de son souffle, redonne leur volume aux pantins inertes. Il y a du Hans Op de Beeck ou du William Kentridge dans les nuances de gris qui recouvrent tout, objets, personnages, brume atmosphérique, donnant l’illusion d'un dessin à la mine de plomb ou au fusain qui s'anime. Seules les tenues colorées des deux joueurs dépareillent, tout comme leur rage de gagner et leurs cris pour donner des ordres. Tout le reste, silence, mouvement, gris, angoisse, est capturé par la rétine.
Trois partitions se superposent. Partition musicale, signée du compositeur Csaba Palotaï, chantée par la soprano Marion Tassou et deux comédiens chanteurs. Partition des corps, exécutée par six circassiens acrobates et danseurs qui ont abandonné leur humanité pour s’immiscer dans le corps de pantins télécommandés. Partition mécanique enfin, avec les objets qui, en se décrochant de l'inquiétante machine, atterrissent brutalement sur scène jusqu’à composer une aire de vie familière. L’ensemble confère une maîtrise glaçante autant que tenant du prodige. Les allusions sont nombreuses, l'illusion est parfaite, chacun peut y trouver un sens tout en se délectant d'un rare spectaculaire.
Le Ring de Katharsy, conception et mise en scène d'Alice Laloy. Avec : Coralie Arnoult, Lucille Chalopin, Alberto Diaz, Camille Guillaume, Dominique Joannon, Antoine Maitrias, Nilda Martinez, Antoine Mermet, Maxime Steffan et Marion Tassou. Création au Théâtre National Populaire - CDN Villeurbanne, du 9 au 19 octobre.
Le 14 novembre au Bateau-Feu, SN de Dunkerque. Du 20 au 29 novembre au Théâtre National de Strasbourg. Du 5 au 16 décembre au T2G - Théâtre de Gennevilliers. Les 9 et 10 janvier 2025 à La Rose des Vents - Lille Métropole. DU 26 février au 1er mars au Théâtre Olympia, CDN Tours. Les 13 et 14 mars à Malakoff SN. Les 20 et 21 mars au Théâtre d'Orléans. Les 3 et 4 avril au théâtre de l'Union - CDN Limoges. Les 9 et 10 avril à la Comédie de Clermont-Ferrand SN. Du 23 au 26 novembre au ThéâtredelaCité - CDN Toulouse.