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Cinemed et sa fille Francesca rendent hommage à Luigi Comencini

par Élisabeth Pan
rima la vita Il tempo che ci vuole de Francesca Comencini © Damned Films
rima la vita Il tempo che ci vuole de Francesca Comencini © Damned Films
Cinéma Publié le 19/10/2024
Cinemed a ouvert sa 46ème édition, le 18 octobre, avec, en avant-première en France, Prima la vita, réalisé par Francesca Comencini en hommage à son père, le cinéaste Luigi Comencini. Captant leur relation, parfois difficile, le film se construit autour des souvenirs de la réalisatrice soixantenaire, depuis son enfance à son entrée dans l’âge adulte. Bouleversant !

Luigi Comencini (1916-2007) est l’un des plus grands cinéastes italiens de son temps. Il a transmis son amour du cinéma à ses filles, notamment à Francesca, réalisatrice reconnue pour son travail sur la série Gomorra, pour ses films Une Journée à Rome et A casa nostra. La 47e édition du festival Cinemed lui rend hommage à travers une rétrospective de sa carrière, avec notamment des copies restaurées de ses films, dont La Grande Pagaille, L’Argent de la vieille et La Ragazza. Heureux hasard du calendrier,  Prima la vita, premier long métrage autobiographique de sa fille Francesca, fait sa première en France lors de la cérémonie d’ouverture le 18 octobre, en présence de la réalisatrice.

Avant la projection, Francesca Comencini a exprimé le regret que son père fut un cinéaste « immense et trop vite oublié ». Avec son film Prima la vita, elle souhaite rendre hommage à l’homme qu’il était, cinéaste et père, au souvenir de sa relation avec lui durant son enfance et son adolescence. L’idée de ce film lui est venue lors du confinement lié à la pandémie de Covid. Submergée par ses souvenirs, elle a pris conscience que « les personnages de nos souvenirs ne sont déjà plus exactement des personnes, parce qu’on exagère et oublie, la mémoire est déjà comme une pièce de théâtre. »

 

Père et fille. Comme dans les souvenirs de Francesca, père et fille sont au centre du film, seul à seule. Entrainant le spectateur dans une relation fondée sur la passion du cinéma, la confiance en l’imagination, et la confrontation à l'échec. L’irruption du monde extérieur se fait lorsque l'enfant Francesca, interprétée par Anna Mangiocavallo, accompagne son père, brillamment incarné par Fabrizio Gifuni, sur le tournage de sa mini-série Les Aventures de Pinocchio. « À l’âge où tout enfant croit en les fables, son père en fabrique une sous ses yeux » commente la réalisatrice. La puissance de la magie, la liberté de l'illusion, donnent une coloration touchante à une enfance heureuse et libre. Peu à peu le monde extérieur prend davantage de place, rompant le huis clos de l'appartement familial, jusqu'au rappel de la tragédie de l’attentat de la piazza Fontana qui celle la rupture avec une confiance entre père et fille que rien ne semblait pouvoir ébranler. C’est le début de ce que Francesca décrit comme « les années de la tension ». Elle poursuit : « tous les gens de ma génération se rappellent où ils étaient à ce moment-là ». C’est pendant cette époque troublée par la violence que son père crée une fable qui prend appui sur le quotidien de l’Italie : « Il n’a pas été chercher la magie ailleurs, il l’a sortie du réel populaire italien ».

 

Une adolescence pianoforte. Si, au début du film, Francesca a une relation très complice avec son père, cette période qui tient de la magie se dissipe lorsque Francesca devient adolescente. La jeune femme, interprétée par Romana Maggiora Vergano, commence à devenir « influençable » et rompt le lien de confiance tissé avec son père par ses mensonges destinés à lui cacher ses addictions. Dans son premier long métrage autobiographique, Pianoforte, la réalisatrice racontait déjà cette période difficile, durant laquelle sa génération, « la génération sacrifiée », a connu une épidémie de drogue. Prima la vita exprime la parenthèse dorée qu'est l’enfance, quand les parents sont tentés de projeter des attentes sur ce que deviendront leurs enfants. À l’adolescence « on court le risque d’être décevant » estime la réalisatrice. Surtout pour la jeune femme qu'elle était dans l’Italie des années 70, découvrant qu'elle ne peut pas faire tout ce que font les hommes… Un possible que son père lui avait fait espérer.

 

L’échec au cœur de la réussite. Le film de Francesca Comencini se concentre en deuxième partie sur l’échec, à travers le sens que son père y accordait. C’était, d’après lui, une étape nécessaire, la base de tout travail artistique. « Dans cette acceptation de l’échec, on trouve le petit truc que nous seuls sommes capables de faire » commente sa fille. Prima la vita décrit la personnalité de Luigi Comencini à travers le lien fort qu'il entretient avec la France, un lien qu'il a transmis à sa fille. Ayant fait partie du cortège de l’émigration italienne des années 20, il a dû affronter une enfance difficile, dans un pays dont il ne parlait pas la langue et qu'il voulait fuir. Cela a fait naître en lui un profond sens de justice, et explique le besoin du cinéaste de mettre en scène le personnage rejeté, exclu, en le mettant au premier plan. Le film témoigne également de sa grande patience et de sa bonté envers les enfants qu’il écoute et croit toujours, que ce soit sur un tournage, avec sa fille, ou avec les camarades de classe de celle-ci en école française.

Hommage à un père, hommage au cinéma, Prima la Vita dégage une grande force esthétique et une rare élégance des sentiments entre l'enfant et l'adulte.

Prima la Vita (Il tempo che ci vuole) de Francesca Comencini. Sortie en France le 12 février 2025

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