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Les festivals font l’automne

par Élisabeth Pan
"Mothers, A Song for Wartime" de Marta Gornicka dans la Cour d'honneur. © Raynaud de Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 23/09/2024
La saison théâtrale programme de nombreuses pièces crées au Festival d’Avignon, au Off et aux Printemps des comédiens de Montpellier. Aperçu de cet agenda.

La saison théâtrale réserve plein de surprises. Nombre de pièces à l’affiche ont été créées cet été au Printemps des comédiens, au Festival d’Avignon et au Off, et c’est peu dire que la création artistique ne manque ni de vitalité, ni d’imagination et se singularise par sa façon de prendre en charge les questions qui traversent les débats de société.

 

Succès public dans la Cour d’honneur, Mothers A Song for Wartime de la Polonaise Marta Gornicka met sur scène vingt-et-une femmes ukrainiennes, polonaises et biéolorusses pour dénoncer les violences faites aux femmes en temps de guerre, dont le viol systématique par l’armée russe en Ukraine. Le chœur assène des phrases sur la résistance, les blessures, l’amour, renouant avec la tragédie grecque, « le lieu, dit Marta Gornicka, où sont discutés les sujets qui concernent citoyens et citoyennes, les sujets relatifs à l’État ». En octobre à Bordeaux, au Festival d’Automne de Paris et au Festival Sens interdits de Lyon.

 

Présentée également dans la Cour d’honneur, la performeuse féministe Angelica Liddell a créé Dämon, les funérailles de Bergman. Hyperprésente, provocatrice, dénonciatrice, elle prend toujours pour objet de ses réflexions et anathèmes, la mort, l’amour, le sexe, la femme, la religion, le corps, les « gens ». Autant de thèmes traités à travers la passion de l’Espagnole pour le cinéaste suédois. Du 26 septembre au 6 octobre à l’Odéon de Paris.

 

Si elle narre la vie des gens du sud des États-Unis, leurs rapports à l’esclavage et à l’exploitation agricole, l’écriture de William Faulkner vient de l’intérieur, n’a d’étalon que sa propre conscience, s’étaye de répétitions pour multiplier les points de vue. Le Prix Nobel a créé un monde, le comté de Yoknapatawpha, où trois familles s’ignorent, s’envient, s’accouplent et s’entretuent sur fond d’argent et de sexe. En portant sur scène Absalon, Absalon, Séverine Chavrier réussit un pari inédit. Du 25 mars au 11 avril 2025 à l’Odéon à Paris, puis à Orléans.

 

La troupe de la Comédie-Française était présente à Avignon pour la création de Hécube, pas Hécube. Tiago Rodrigues, inspiré de l’œuvre d’Euripide, mêle la tragédie aux coulisses du théâtre. Au fil de la pièce, Hécube, mère mythologique de Polydore dont elle pleure la mort, redevient l'actrice qui l'interprète, mère d’un jeune garçon handicapé maltraité par l’institution. À partir de cet instant, les autres interprètes changent de rôle pour nous ramener à aujourd’hui. À Toulouse du 15 au 23 novembre, à La Rochelle en janvier.

 

Malicho Vaca Valenzuela a passé le confinement avec ses grands-parents, dans son pays natal, le Chili. Entouré de leur amour et des chants chiliens, il a écrit Reminiscencia qui emmène le public sur les chemins de son enfance. Dans cette pièce-conférence, il invite à entrer dans le quotidien de son confinement autour d’histoires sur la révolution chilienne, les questions de genre, la sexualité, et les droits des Hommes. Les 16 et 17 octobre à Angers, et fin novembre à Saint-Jacques de la Lande, à Choisy-le-Roi et au Next Festival de Lille.

 

L'Argentine Lola Arias a choisi la comédie musicale pour dire la vie morcelée des prisonnières femmes et des transgenres. Los dias afuera est née lors d’ateliers derrière les barreaux d’une prison argentine où l’auteure a choisi ses comédiennes. Dans ce pays plus encore qu’ailleurs, la misère, l’absence de services publics, les inégalités sociales, le sexisme, la corruption et la violence sont les principales causes de l’emprisonnement de jeunes adolescentes. Au Théâtre de la Ville à Paris du 3 au 5 octobre et à Créteil les 6 et 7 novembre, puis à Lyon, à Villeneuve d’Ascq et à Angers. En décembre à Bayonne et Tarbes. Et en 2025 à Arras, Strasbourg, Bordeaux et Orléans.

 

Une Ombre Vorace, de Mariano Pensotti et son Grupo Marea, est l’histoire de Jean Vidal, un alpiniste connu pour avoir fait l’ascension de l’Annapurna après que son père y a perdu la vie 30 ans auparavant. Mais c’est aussi celle de Michel, acteur qui espère que sa carrière va enfin décoller lorsqu’il est choisi pour interpréter Jean Vidal au cinéma. À Aix-en-Provence les 11 et 12 octobre, à Montpellier en novembre, en avril à Dijon, en mai au Théâtre Silvia Monfort à Paris. En juin, à Grasse.

 

Plusieurs pièces créées au Printemps des Comédiens seront également à l’affiche de la saison. Outre Les Messagères de Jean Bellorini (voir p. 30), Re-Chichinella de la Palermitaine Emma Dante, farce cruelle et drôle où Charles III d’Anjou, roi de Naples, est à la fois protagoniste et victime quand la poule avec laquelle il s’est essuyé s’accroche à son corps et le dévore peu à peu tandis que la cour avide recueille du gallinacée des œufs en or. Inspirée du Conte des contes du Napolitain du XVIe siècle Giambattista Basile. Du 7 au 29 janvier au théâtre de La Colline à Paris.

 

Dans son atmosphère explosive où l’absurde côtoie l’espoir, où l'humour devient une arme de défense, où le bruit des bombes rivalise avec celui de l’orage, où on se parle en criant, où la fâcherie précède la réconciliation, Journée de noces chez les Cromagnons, dernier opus de Wajdi Mouawad, respire la nostalgie d’un pays fantasmé, le Liban. La pièce a été créée le 7 juin 2024 au Printemps des Comédiens. Du 29 avril au 22 juin 2025 au théâtre de La Colline à Paris.

 

Dans Portrait de famille, Jean-François Sivadier résume en 3h30 l’arbre généalogique fourmillant des atrocités d'une famille maudite, les Atrides. Et fait de cette tragédie grecque une comédie plaisante. Il revient sur l’origine de la guerre de Troie : Ménélas a été quitté par sa femme. Cette scène de ménage mènera à certaines des pires atrocités de la mythologie. Du 18 au 29 septembre à Aubervillers. Au Carré Sainte-Maxime les 4 et 5 octobre, à La Rochelle en novembre, à Poitiers en février, à Béthune en mars, et en juin au Théâtre du Rond-Point à Paris.

 

Don Quichotte, lorsque Gwenaël Morin l’a relu pour le monter sur scène, lui a en quelque sorte « sauté à la gueule ». L’ouvrage, réputé pour ouvrir avec Le Décaméron et Pantagruel, l’ère moderne de la littérature après l’époque des romans de chevalerie. L’époque n’est plus aux ordres médiévaux, la bourgeoisie se fait sa place avec une nouvelle organisation sociale dans laquelle le noble parasite doit disparaître et avec lui son image littéraire de chevalier battant la campagne pour rendre la justice. L’adaptation de Gwenaël Morin se limite aux deux premières heures de lecture (« le total en fait 30 » précise le metteur en scène). Elle met en débat le pouvoir masculin des armes et du discours en choisissant pour interpréter le chevalier à la triste figure la comédienne Jeanne Balibar et en donnant à l’ironique Marie-Noëlle le rôle de conteur, réunissant à la fois l’auteur Cervantes et le cheval Rossinante. Quichotte  « attaque frontalement les idéologies, notamment religieuses, qui génèrent de la violence » assure Gwenaël Morin.

Quichotte sera en septembre à Annecy et Paris, en octobre à Bordeaux, en novembre à Chambéry, Martigues, Genève et Mulhouse. Puis en 2025 à Toulouse, La Rochelle et Aix-en-Provence.

 

Poser sur scène nos doutes, nos maladresses, c'est ce qu’a proposé à Avignon la compagnie Baro d'evel au rythme conjugué de la danse, du cirque, de la musique, de la comédie, du chant, de la poterie. Qui som ? tente à tout moment de sauver les apparences, d’excuser les maladresses ou les dysfonctionnements qui font fuser les rires d’un public conquis. « Nous n’essayons pas de raconter une histoire linéaire, explique Camille co-fondatrice avec Blaï Mateu Trias de la compagnie franco-catalane. Comment s’accrocher à du sens quand nos vies sont des chaos en perpétuel mouvement, qui s’improvisent chaque jour ? » Mais, assène Camille sur scène, « nous ne lâcherons rien ! ». Les 2, 3, 4 octobre au Théâtre 71 de Malakoff, du 13 au 16 novembre, au Tandem d’Arras-Douai. Du 2 au 22 décembre au Théâtre de la Cité de Toulouse et, en janvier 2025, à Tarbes-Pyrénées et à la Maison de la Culture de Bobigny.

 

Enfin Platonov de Tchekhov a inspiré Cyril Teste qui crée Une autre rive, nouvelle performance filmique noyant la vacuité d'un monde dans l’ambiance fiévreuse d’une grande fête. Du 27 septembre au 13 octobre, aux Amandiers de Nanterre, les 17 et 18 octobre à Chalon-sur-Saône, en novembre au Théâtre du Rond-Point de Paris, et à Châteauroux. En décembre à Amiens, au Mans et à Roubaix.

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