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Mot de passe oublié ?Les clowns, Reda Kateb les a connus enfant au cirque, plus tard lui-même a été clown d’anniversaire. Ces mondes sont en réalité très éloignés de celui du clown exerçant dans un service hospitalier pédiatrique de l’association Le rire médecin. Ils sont tous comédiens, tous suivent une formation de six mois avec une mission : rendre l’enfant heureux pour qu’il ait toutes les chances de guérir. En lisant Le rire médecin : Journal du docteur Girafe, Reda Kateb a été bouleversé. Le récit de Caroline Simonds, clown et fondatrice de l’association le Rire Médecin en 1991, témoigne d’une expérience hors du commun peu connue du grand public. Si l’association a fait l’objet de documentaires, si elle s’est choisie pour marraine une comédienne, Sarah Giraudeau, elle n’avait jamais eu l’honneur du grand écran.
Il aura fallu que Reda Kateb s’y intéresse, qu’il visite plusieurs hôpitaux accueillant dans leur unité pédiatrique l’une des 80 antennes du Rire Médecin, qu’il tourne à l’étranger avec Aloïse Sauvage lorsqu’il a lu le livre de Caroline Simonds, pour être convaincu, plusieurs années plus tard, de la nécessité de réaliser un film hommage à l’association. Un film à hauteur d'enfants.
Toutes premières fois. Avec Sur un fil, Reda Kateb fait donc ses premières armes de réalisateur, Aloïse Sauvage tient son premier rôle de comédienne, et Le Rire médecin est confronté pour la première fois à la fiction. Toutes ces premières fois donnent de l’inédit au processus même de création cinématographique. On n’en attendait pas moins de ce comédien qui, à chacun de ses rôles, surprend le spectateur par la profondeur de ses incarnations de personnages, par ses transformations physiques qui le rendent méconnaissables, qui se cache derrière le personnage.
Aloïse semble être de la même trempe. Portée par la confiance de Reda Kateb, elle s’est conditionnée à entrer dans la gestuelle et les expressions d’un clown médecin. Son visage ne ressemble à aucun autre, sa voix est grave, son corps leste et musclé, son visage est pur et singulier, son regard affronte simplement celui de l’autre. « Je l’ai trouvée très différente d’autres actrices, très singulière et en même temps très actuelle, explique Reda Kateb. J’ai rapidement projeté ma lecture sur elle ». Musicienne, formée au cirque à l’école Fratellini), danseuse, Aloïse s’affirme comédienne et même clown. Un métier auquel elle s’est formée pendant plusieurs mois avec le Rire Médecin avant de tourner. Même la corde lisse lui était inconnue, elle a dû s’entrainer pour réaliser le numéro fondateur de Sur le fil. Car tout commence avec son corps de circassienne, son échauffement, son allure de félin, jusqu'à son ascension au sommet de la corde lisse devant le public ébahi. La chute, l'accident, fera dévier sa route, et elle se relèvera de façon inattendue.
Trouver son clown. Le 7ème art est marqué par le personnage de Julietta Masina dans La Strada de Fellini, le petit chapeau et le tricot rayé rouge et blanc que choisit Aloïse Sauvage pour trouver son clown en sont une référence. Elle y ajoutera une veste avec des ailes de papillon. Trouver son clown est ce que chacun doit réussir avant de s’aventurer en duo dans un hôpital, puis dans la chambre d’un enfant malade. Les clowns de l’association le Rire Médecin sont 150, et aucun ne ressemble à un autre. Le trio que Zouzou (Aloïs Sauvage) forme avec le comédien Philippe Rebbot, qui lui aussi s’est formé au métier de clown, et Jean-Philippe Buzaud alias Roger Chips, clown du Rire médecin depuis 31 ans, est désarmant. Encadrés par la responsable du service pédiatrique, Sarah Giraudeau, ils évoluent avec grâce et maladresse au milieu de professionnels de santé pressés, sans cesse en alerte, mais humant au passage la belle humeur de ces êtres fantasques qui, ils le savent, sont capables de transformer les peurs et le chagrin d’un enfant en sourire, et même en rire. Parfois c’est juste un regard, une connexion silencieuse qui opère. Le lien créé est, pour les soignants, un gage de la meilleure action du traitement.
La bonne distance. Il s’agit de trouver la bonne distance avec le petit malade. Mesurer sa disponibilité, son état d’âme, ne jamais forcer le trait. Avec sa caméra, Reda Kateb a lui aussi cherché la bonne distance, en pénétrant dans une chambre, en s’approchant du visage d’un enfant, en filmant le rapport du trio avec un petit malade, et avec l’équipe médicale. Les excès, les magnifiques accomplissements, les échecs, rien n’est écrit à l’avance. Chaque tentative pour détendre et faire rire n’est pas acquise, les erreurs de jugement d’un clown sont sanctionnées par un référent, et parfois c'est la mort qui rompt le lien établi, un lien qui lorsqu'il est noué entre l’enfant et le clown agit telle la serre d’un rapace, et engage. Ce microcosme hors du commun, fait de jeu et de sérieux, de joie et de tragédie, la caméra de Reda Kateb a su le capter avec justesse et une grande générosité.