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Mot de passe oublié ?Directeur du Centre national chorégraphique (CCN) du Havre, Le Phare, Fouad Boussouf œuvre depuis moins de trois ans à inscrire la danse contemporaine à l’agenda de la ville. Multipliant les rendez-vous et les initiatives. Pas si facile dans une ville plus réputée pour ses actions en faveur des arts plastiques, de la création littéraire, des musiques actuelles, que pour son terreau de compagnies de danse.
Le Phare éclaire la ville bien au-delà de l’immense hangar de l’ancien quartier des dockers. Les jeunes compagnies savent qu’elles peuvent trouver au CCN accompagnement et encouragement, sa programmation éclaire les nouvelles tendances et le Festival Plein Phare diffuse autant les spectacles accomplis que les créations émergentes…
Rien d’étonnant en regard du parcours de l’artiste directeur qui a largement contribué à hisser la danse hip hop au niveau du répertoire contemporain, n’a jamais hésité à expérimenter des compositions hybrides, à associer la danse à tous les autres arts, pour donner ampleur et popularité à une discipline qui doit se renouveler avec d’autres corps et d’autres esprits.
Chaque geste, chaque mouvement raconte une histoire. Reconnu autant en Europe que dans son Maroc natal, Fouad Boussouf est arrivé au Havre avec un esprit d’ouverture et une simplicité assez rare dans ce milieu. Faisant la place à toutes les esthétiques, de la danse contemporaine au hip hop et à l'inclassable. Les jeunes l’ont compris, comme en témoigne la composition du public de la troisième édition de Plein Phare. Aux côtés des mentors de la danse contemporaine dans le monde, depuis le Ballet du grand Théâtre de Genève à Xie Xin Dance Theater et Hillel Kogan, des premières fois se sont produites le 22 novembre. Fouad Boussouf introduisit les quatre jeunes artistes auxquels il a voulu donner la chance d'exprimer en public leur propre création : « la danse transcende les mots, les frontières. Chaque geste, chaque mouvement raconte une histoire, et révèle une part de notre sensible ». Une vision qui fait écho à celle de sa propre esthétique qui entremêle une grammaire des danses traditionnelles à celle de la danse urbaine des années 2000. Une vision qui reflète aussi ce qui a suivi.
Premières fois. Dans la grande salle du Phare, le programme "Petite longueur d'avance" fait se succéder quatre petites formes chorégraphiques, autant d’adresses sincères au public. Charlène Pons, une des interprètes de Fêu, a fait entendre sa voix en off, expliquant qu’elle voulait dire « Un truc banal, mais rien n’est sorti », et l’exprimant avec une grande sensibilité avec son corps. Après s’être assise sur l’une des quatre chaises disposées sur le plateau, la danseuse a incarné de gestes saccadés ses invites à s’asseoir près d’elle, ses hésitations, ses désappointements, ses chagrins, ses espoirs. En seconde partie, cheveux tirés retenus par un chignon, vêtue d’un tailleur pantalon immaculé, hauts talons, Léa Deschaintres, également interprète de Fêu, traverse le plateau d’un pas rapide et bruyant, jusqu’à disparaître après avoir dit bonsoir au public. Elle revient, dit à nouveau bonsoir, et prend le micro pour se raconter. De son ton ferme et vif, la danseuse raconte son parcours, les injonctions familiales à la réussite qui l’ont façonnée jusqu’à imprimer en elle l’angoisse de l’échec et son impact sur, précisément, sa réussite. S’ensuit un spectacle rythmé par une musique pop, léa se fait coach, puis influenceuse, pour un public qu’elle invite à se mettre debout pour exécuter des mouvements droit sortis d’une séance cardio. Après le solo fantomatique de Fiona Le Goff, la performance corrosive "Marathon !", profession de foi anticonsumériste de Valentin Mériot, clôturait le programme. La salle où se tient le bar des "filles de la buvette" se remplit des voix d’une jeunesse joyeuse et des sons électro alimentés par un DJ.
Musée dansant #MuMa. Le lendemain, samedi, le festival invite à deux autres expériences. Celle d’une master classe que mène Fouad Balussouf au sein même du Conservatoire de danse, devenu partenaire de Plein Phare. Une cinquantaine de jeunes gens s’appliquent à reproduire la gestuelle du maître.
Puis, en se dirigeant vers le port, dont l’horizon gris bleu est balayé par un vent froid, se dresse l’élégant musée d’art contemporain André Malraux, le MuMa. On y retrouve trois des jeunes danseurs de la veille pour une autre initiative de Plein Phare, le "musée dansant". Tous trois sont venus répéter au milieu des œuvres collectionnées par la famille Senn et dont l’une des descendantes, Hélène Senn-Foulds, a fait plusieurs donations à l’institution havraise. Soigneusement scénographié, le parcours de l'exposition débute par trois petits salons qui reproduisent l’accrochage des tableaux tel qu’il fut agencé dans les appartements d’Olivier Senn, à l'origine de la collection. De plus grands espaces accueillent une pléiade d’études dessinées de Degas, de peintures et dessins de Marquet, d’Henri-Edmond Cross. Tous les courants novateurs de la peinture moderne sont représentés, composant un magnifique portrait du mécène et collectionneur au XXe siècle. Dans cet environnement, les trois danseurs viennent s’imprégner des couleurs, de l’atmosphère particulière du musée, des corps et des paysages dessinés, avant de s'aventurer, au milieu des visiteurs, pour que leurs gestes et leurs déplacements offrent une sorte de « réalité augmentée et vivante » de l’exposition. Leurs stations dans un salon ou devant un tableau procureront, le dimanche 24 novembre, des émotions inédites. Leur présence séduira, indisposera, mais ne laissera pas indifférent, produisant un inoubliable « souvenir d’une exposition ».
Festival PLEIN PHARE IN #3 organisé par Le Phare, Centre chorégraphique nationale du Havre Normandie, dirigé par Fouad Boussouf. Du 19 novembre au 5 décembre.