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Mot de passe oublié ?Sur scène, entre écorchés et architecture quelque peu labyrinthique, aux matériaux tendres, apparaît une représentation mentale de l’abattoir. C’est celle de Faustine Noguès, qui écrit et met en scène son troisième opus, Les essentielles. Pour parvenir à la représentation théâtrale d’un tel sujet, à une époque où la consommation de viande est mis en question et divise la société, et alors que depuis des décennies, l’abattage des animaux a été déplacé hors des villes et de la vue de la population, la dramaturge a cherché à s’entourer des bonnes personnes. Une circassienne, une comédienne chorégraphe, et un artiste plasticien dont l’esthétique et la pratique sont nées d’une puissante empathie pour les animaux morts au bord des routes. Le corps d’Estelle Borel, revenante funambule, la gestuelle et l’élocution électrisante d’Armande Sanseverino, directrice parfaitement dépassée, l’art transcendant de l'admirable Sylvain Wavrant, auteur des écorchés et d’une somptueuse carcasse, donnent à ce qui est montré le puissant parfum de la fiction.
Reste aux quatre comédiens à exprimer en mots ce qui se joue de dramatique et de vital dans cet ilot sanguinolent. Tous sont employés dans l’abattoir, chacun à sa tâche, de l’abattage à la découpe et à la triperie. La tâche est rude, les cadences infernales, le rapport à la mort animale est de tout instant. Mais lorsqu’une de leurs congénères est retrouvée morte, suspendue à la chaine de découpage… L’instinct de vie reprend le dessus. Laissant échapper des réflexions rarement entendues, des accommodements inattendus avec le réel, des envies irrépressibles d’une justice, un désappointement qui frise avec l’innocence.
Le Possesseur, dont on n’entendra que la voix puissante ou les paroles rapportées par la directrice, fait résonner un langage incompréhensible pour ces ouvriers qui apprennent sur le terrain à exprimer et défendre leurs intérêts. Leur choix de faire grève et leurs revendications ne pèsent pas lourd en regard des chiffres de rentabilité qui, à eux seuls, résument la situation et engagent l’avenir.
L’odeur des salles d’abattoirs est insoutenable pour la plupart d’entre nous. Celle des excréments, du sang, de la chair morte, des viscères… Dans la salle du théâtre de la cité internationale, des effluves parviennent, pas toujours reconnaissables, pas non plus désagréables. Le parfum de l’humus domine. C’est qu’il est fortement question de mycélium, une passion qu’entretient l’une des ouvrières qui projette la réalisation de vêtements dans cette partie du champignon. Dans ce lieu morbide, et beau, l’envie de vivre et de faire vivre est forte.
Les Essentielles, écriture et mise en scène de Faustine Noguès. Collaboration à la mise en scène corps et mouvements : Rafael de Paula. Assistanat à la mise en scène : Casseline Gilet. Création plastique: Sylvain Wavrant. Scénographie : Hervé Cherblanc. Création sonore : Colombine Jacquemont. Création lumière : Zoé Dada et Eliah Ramon. Costumes : Estelle Boul. Régie plateau et générale : Lisalou Eyssautier. Création olfactive : Julie C. Fortier.
Avec : Estelle Borel, Odja Llorca, Caroline Menon-Bertheux, Faustine Noguès,
Alexandre Pallu, Armande Sanseverino et Martin Van Eeckhoudt. Avec la participation de Daniel Ragussi.
Jusqu'au 16 décembre au Théâtre de la Cité Internationale - Paris. En tournée : les 19 et 20 décembre, Théâtre Dijon Bourgogne – CDN, en partenariat avec l’ABC. Le 28 mars 2025, Théâtre André Malraux, Chevilly-Larue. Les 3 et 4 avril, EMC – Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge. Le 10 avril, Théâtre Jacques Carat, Cachan. Les 15 et 16 avril, Château Rouge, Scène conventionnée, Annemasse.