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Mot de passe oublié ?Avec Migrations, une odyssée humaine, le Musée de l’Homme affiche son intention de questionner les préjugés en s’appuyant sur des données scientifiques, donc par essence fiables. Placée sous le commissariat de la sociologue Sylvie Mazzella et de la paléoanthropologue Christine Verna, une équipe pluridisciplinaire de scientifiques spécialistes de la démographie, de l’archéologie, de la génétique, de la sociologie, de la géographie, de l’histoire et de la préhistoire, a donné corps à ce projet à partir de l’état des connaissances. Ainsi, l’exposition « oppose les faits aux idées reçues, les chiffres aux croyances et le temps long aux vues court-termistes ». La scénographie et le graphisme ont permis de mettre en forme de manière attractive et accessible les données scientifiques. Dans le même temps, les imaginaires d’artistes contemporains ont été sollicités, leurs œuvres étant intégrées au parcours de l’exposition, de même que des témoignages de migrants, qui contribuent à esquisser des représentations et à incarner le propos.
Une forêt de mots pour comprendre de quoi on parle. Passée la photo suggestive d’une migrante de dos assise sur un quai face à la mer (lire l'interview d'Aurélie Clemente-Ruiz), le visiteur est accueilli par la projection à 180 degrés d'un diaporama illustrant les modes de déplacement et de transport utilisés par les migrants au travers des âges, avec en premier plan des ombres humaines qui avancent, toujours en mouvement. D’entrée aussi des panneaux proposent les définitions d’Une forêt de mots, ceux que l’on utilise et qui témoignent des représentations que l’on se fait selon les époques, le contexte du moment, les préjugés, le pays d’où l’on parle : migrant, immigré, exilé, sans-papier, réfugié, expatrié… envahissement, submersion... Une approche sémantique pour mieux comprendre ce dont on parle.
Le long chemin d’homo sapiens. Alors qu’une vidéo retrace à l’aide de cartes animées les migrations humaines depuis la sortie d’homo sapiens de l’Afrique il y a 200 000 ans jusqu’à sa dispersion sur tous les continents, des données statistiques projetées elles aussi sous forme d’animation dressent un état des lieux des flux migratoires mondiaux, bousculant encore une fois les poncifs. Les migrations concernent 4% de la population mondiale (325 millions de personnes sur 8 milliards d’êtres humains), c’est-à-dire que 96% des habitants de la planète vivent dans leur propre pays, y apprend-on, ce pourcentage intégrant les migrations Nord-Nord ou Sud-Sud, les mouvements du Sud vers le Nord étant près de deux fois moins nombreux que les autres. Or ce sont principalement ces derniers qui alimentent les discours de rejet, les stéréotypes et les craintes dans la société comme dans les politiques répressives de certains États. L’œuvre monumentale de l’artiste indienne Raena Kallat, adaptée pour occuper un pan entier de mur, présente une vision alternative de la planète : une mappemonde renversée, le Sud étant positionné sur la partie supérieure, parcourue par une multitude de fils électriques tressés en forme de barbelés, courant dans toutes les directions d’un continent à l’autre.
Perméable aux apports des migrants. Migrations, une odyssée humaine, c’est aussi une collection d’objets parfois glaçants, comme ce gilet de sauvetage aux couleurs de La reine des neiges porté par un enfant de 4 ans secouru par l'association SOS Méditerranée. D’autres regards d’artistes viennent ébranler les fausses certitudes, comme la série de photos Bureaucraties, de Ruben Martin de Lucas, mettant en scène par l’absurde les procédures d’entrée dans les territoires. Pour terminer, l’exposition raconte l’histoire de métissages que révèlent la génétique, l’étude de l’origine de plantes ou d’insectes transportés, parfois à leur insu, par les migrants. Elle souligne les legs culturels laissés par les migrations. Une gravure de fraises du Chili du XVIIIe siècle, une brochette de kebab, une pizza hawaïenne grandeur nature, des mots du langage courant dont l’origine est inscrite au dos des panonceaux les supportant, rappellent une dernière fois que la société moderne s’est montrée perméable aux flux migratoires et s’en est approprié les apports.
Migrations, une odyssée humaine, au Musée de l’Homme
Jusqu’au 8 juin 2025