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Mot de passe oublié ?Chaque vie est une histoire propose 200 récits et œuvres d’art pour, comme le dit Constance Rivière la directrice générale du Palais de la Porte Dorée, une « mise en lumière » de l’histoire du lieu, de « celle de ses habitants, qu’ils y travaillent ou qu’ils le visitent, celle aussi des personnes exilées, immigrées en France, trop souvent laissées dans l’ombre de notre Histoire ». C’est une exposition en deux parties. La première prend la forme d’une carte blanche offerte à 13 artistes venus en immersion s’approprier le Palais pour y créer des œuvres inédites. D’autres sont issus du fonds du musée, comme le Climbing Down de Barthélémy Toguo, six lits en bois superposés auxquels sont accrochés des sacs Tati, une évocation des foyers de travailleurs immigrés et du baluchon, ce maigre bagage dans lequel le migrant conserve les seuls objets qu’il a pu conserver au moment du départ.
Donner corps et visage à des anonymes. « Rendre visible l’invisible » telle est l’intention de la seconde partie de l’expo. « Dans un contexte marqué par la montée des stigmatisations la mission du Musée est de sortir l’immigration des généralités abstraites, souvent fausses et déshumanisantes, pour retrouver les noms les visages, les récits qui en sont à la fois l’histoire et le présent », poursuit la directrice générale. On est ici dans l’ordre du sensible : témoignages, lettres émouvantes, objets divers, photos, vidéos, viennent illustrer les questionnements posés par l’exposition, « comment donner corps et visages à des anonymes, relégués aux marges, tolérés dans l’invisibilité, mais contesté lorsqu’ils deviennent visibles ? Comment mettre en perspective l’histoire collective et les parcours individuels ? ».
Réinvestir les fonds du musée pour construire un nouveau récit. Chaque vie est une histoire effectue un retour sur 20 années d’acquisitions du musée, puisque, hormis les créations des cartes blanches, tout le matériel exposé est issu de ses trois fonds (Histoire, Art contemporain, Témoignages et société), non pas pour en faire un inventaire (plus de 8000 pièces sont répertoriées), mais « pour proposer un nouveau récit à travers le prisme de l’invisibilité ». Parmi les objets exposés des cartes téléphoniques aux couleurs des magasins Tati rappellent les conversations au téléphone entre un père immigré en France et sa famille restée au pays ; l’enseigne lumineuse du Studio Rex qui, à Marseille, a tiré le portrait de générations de clients majoritairement originaires d’Afrique du Nord et de l’Ouest. Et puis il y a les œuvres comme L’homme ne vit pas seulement de pain #2 de Taysir Batniji qui renvoie à la Déclaration universelle des droits de l’homme, ou la série Sans filtre de Djamel Talah dont les toiles représentent un jeune homme les mains dans les poches et le dos vouté semblant porter un lourd fardeau. La difficulté face à cette grande diversité d’objets, d’existences, d’époques et de lieux évoqués était sans doute la mise en cohérence de l’ensemble. Mais un dialogue semble s’instaurer entre ces éléments disparates qui racontent au fond un même sentiment de solitude et de profonde émotion.
Chaque vie est une histoire, Musée national de l’histoire de l’immigration, jusqu’au 9 février 2025.