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Mot de passe oublié ?Les collections du Mucem renferment des trésors, à la fois modestes et exceptionnels. Exceptionnelles sans aucune hésitation les marionnettes siciliennes acquises en 2014. Issues de la longue et très populaire tradition du sud de l’Italie, elles sont les personnages d’un théâtre de marionnettes, opera dei pupi, qui raconte les exploits des chevaliers de l’époque de l’empereur Charlemagne. « Inscrites sur la liste du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’Unesco, il n’a pas été facile de les faire rentrer dans les collections du Mucem » explique Vincent Giovannoni, conservateur du musée national.
« Il existe à Palerme un musée international de la marionnette, tenu par un ami, Rosario Perricone, qui a bien voulu m’accompagner dans ma recherche de marionnettes palermitaines, qui sont différentes de celles de Catania ». Vincent Giovannoni a ainsi été aiguillé vers le marionnettiste Enzo Mancuso, qui dirige dernier théâtre traditionnel de marionnettes de Palerme et est l’héritier d’une famille de marionnettistes. « Il souhaitait moderniser les marionnettes familiales, et m’a cédé celles fabriquées par son grand-père et par lui-même ». Chaque visage a été sculpté dans un bois dur par d’habiles sculpteurs siciliens, auteurs entre autres des saints et des anges qui enchantent les églises. Les têtes sont ensuite peintes et vernies, les cheveux composés de plumes, les armures fabriquées en métal martelé et soudé. Ces marionnettes ont également la particularité d’avoir des genoux qui plient.
« J’ai donc fait acquérir par le Mucem l’ensemble de la distribution de la bataille de Roncevaux ». Une histoire qui appartient à un roman fondateur. « En France, précise l’anthropologue de l’art, nous avons le cycle arturien et, dans le monde méditerranéen, l’histoire qui compile Le Roland furieux et La Jérusalem libérée, épopées écrites par l’Arioste (1474-1533), grand poète de La Renaissance ». Créées au XVIIe siècle, les marionnettes racontent des histoires basées sur des chansons de geste françaises du Moyen-Âge, et les cycles chevaleresques. « Les chevaliers de l’opera dei pupi se battent contre des ennemis en surnombre, des géants, des mages ou des dragons ». Le répertoire comprend également des vies de bandits, de saints, des évènements historiques et des drames shakespeariens. « C’est un patrimoine extrêmement commun dans l’Italie du sud en particulier et qu’on ne montre quasiment jamais en France. »
Vincent Giovannoni, initialement ébéniste puis charpentier de marine, est anthropologue de l’art. Ses nombreux voyages, depuis l’Amazonie jusqu’au Sahel, l’ont amené à retourner à l’université pour y étudier l’ethnologie. Après avoir soutenu une thèse de doctorat dédiée aux cultures des pêcheurs languedociens, il a travaillé plusieurs années pour le Ministère de la Culture (en France métropolitaine et outre-mer, dans l’océan Indien). Il a également été directeur du centre culturel français de Saint-Louis, à l’embouchure du fleuve Sénégal. Docteur ès lettres et sciences humaines, Vincent Giovannnoni a été membre du laboratoire d'ethnologie méditerranéenne et comparative de l'université de Provence. Depuis 2013, il est conservateur en chef du Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem) à Marseille.