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Mot de passe oublié ?« Ministre de l’Éducation et de la propagande » d’Hitler, Joseph Goebbels affectionnait les grandes manifestations. Son négativisme général, doublé d’un antisémitisme sanguinaire, s’appliquait également à la culture. Il lui inspira les expositions d’art négatives où il pensait prouver au peuple allemand la « dégénérescence » de l’art dû aux démocraties. Tout ce qui n’était pas figuratif et porteur de message « volklisch » (populiste) faisait partie de cette « Entartete Kunst » qui fut l’objet de plusieurs expositions, dont la plus importante fut organisée à Munich en 1937 avec 700 œuvres présentées. Elles sont signées Otto Dix, Grosz, Kandinsky, Picasso, Chagall, Kirchner et même Emil Nolde qui fraya un temps avec les nazis. Toutes ces pièces, 20 000 en tout, avaient été saisies ou retirées des musées allemands.
On retrouve plusieurs d’entre elles au musée Picasso dans une exposition intitulée L’art « dégénéré » : le procès de l’art moderne sous le nazisme qui se tient jusqu’au 25 mai. S'y lit la peur qu’inspiraient aux dignitaires nazis, la liberté, l’humour, l’esprit critique, la création en même temps que leur racisme et antisémitisme viscéraux.
Un siècle plus tard, le visiteur est interpellé en contemplant des œuvres fondatrices d'une grande liberté d'expression. Difficile de déceler le mal qu'ont pu y voir des esprits torturés. Sur les films projetés d'inaugurations d'expositions organisées pour se moquer, les visages et les doigts pointaient une humanité créatrice. Un portrait de Hildebrand Gurlitt, issu d'une grande famille d'artistes, rappelle le rôle que cet érudit, historien de l'art devenu marchand d'art, joua dans la mission de propagande culturelle qu'il mena pour le Reich.
En 1938, il fut chargé de vendre l'"art dégénéré" qu'il avait apprécié et collectionné. Il fut à l'origine, grâce à son réseau d'experts et de connaissances dans maints musées d'Europe, d'une immense collection pour le Reich, lui-même constitua sa collection personnelle, non en spoliant les propriétaires mais en leur achetant à très bas prix leurs œuvres comme le prouvent livres de comptes et factures, et fit affaire avec des galeristes, responsables de musées et collectionneurs amis. En 1945, Hildebrand Gurlitt fut interpellé et en état d'arrestation par un lieutenant de l'armée américaine. Un épisode relaté dans le film The Monuments Men (2014) de et avec Georges Clooney. En 1947, il fut innocenté de la procédure de "dénazification" et put reprendre ses activités. On aurait pu oublier son existence si son fils, Cornelius Gurliit, n'avait été arrêté en septembre 2010 à l'occasion d'un contrôle de routine dans un train. (notre récit)
L’art « dégénéré » : le procès de l’art moderne sous le nazisme. Musée Picasso, Paris, jusqu’au 25 mai