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Mot de passe oublié ?C’est un collectif de six commissaires, Fetart, qui assume la direction artistique d’un festival rare, celui de la photographie émergente européenne. Pour sa 15e édition Circulation(s) poursuit la route qu'il a tracée à sa création. Le thème commun aux cinq « ateliers » proposés tourne autour du « lien entre populations et territoires ». Lien complexe et riche d’histoires diverses. L’Espagnole Manuela Lorente suit ainsi deux frères plutôt âgés qui se croient des durs, et rêvent d’un coup qui ne viendra jamais tout en adoptant les codes des films de voyous. Plus intime, la Libanaise Sama Beydoun a posé au sol des tapis orientaux, au mur ses photos ont capté les gestes que font les femmes lorsqu'elles confectionnent leurs recettes de cuisine, une étagère de petites céramiques, une vidéo et des photos de sa famille complètent un dispositif de retrouvailles avec une convivialité dont l'artiste est nostalgique. Des histoires qui aujourd’hui en Europe sont frappées d’une violence que le festival n’ignore pas.
La Lituanie, pays à l’honneur, est représentée par quatre photographes. Ieva Baltaduonyte a photographié sur fond rouge le traumatisme des réfugiés ukrainiens, Visvaldas Morkevicius s’attache lui à la perte des êtres chers et, dans des clichés de brumes et de forêts, Paulius Petraitis dénonce la déshumanisation imposée aux migrants arrivés en nombre de Biélorussie à l’été 2021. Miracle de l’Intelligence Artificielle, le corps humain côtoie, se mélange et se fond avec le corps animal dans une hybridation commandée par la Lituanienne Agné Gintalaité qui nous vaut des images captivantes et des photos troublantes.
Dans une autre salle, l’Ukrainien Artem Humilevskyi a développé sa série Racines commencée au début de l’invasion russe. La Biélarusse Lesia Pcolka a recherché sur les routes de son pays les croix traditionnelles citées par l’ethnographe Mikhail Romanyuk. Elles ont en fait toutes disparues, remplacées par des croix en métal que la photographe nous montre hors-sol.
Respect de l’autre et de la nature. D’autres thématiques parcourent l’exposition. Les Metamorphosis de l’Italienne Claudia Fuggetti, sur des clichés haut en couleurs encore rehaussées par le couloir de feuillage dans lesquelles ils sont exposés, explorent la vitalité de la nature menacée par les activités humaines. Comme le confirment les photos du Français Valentin Valette sur les extractions pétrolières et gazières du sultanat d’Oman.
Une place particulière est accordée aux artistes franco-caribéennes, à l'instar d'Emeline Amétis qu interroge son héritage culturel à travers sa mère venue en métropole dans les années 70.
La figure du loup prédateur s'impose dans le travail de Cendre, de l’agression homophobe qu’il a subie à l’influence de la lune mise en cause par les autorités publiques en passant par son cycle personnel. L’Hispano-Colombienne Isabella Madrid parle aussi du corps contraint, celui de la femme, Anouk Durocher celui de l’Allemand-Béninois, non binaire, dans des clichés émouvants qui défient la normalité
Dans la grande Halle et ses salles d'exposition attenantes, il ressort un monde perturbé, mais bien vivant et qui réagit.
Circulation(s) festival de la jeune photographie européenne. CentQuatre-Paris, 5 rue Curial. Du 5 avril au 1er juin.