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Au « Bal des folles » de Romuald Jandolo danse la révolte

par Véronique Giraud
Arts visuels Installation Publié le 15/04/2025
Rendre hommage à l'invisibilisé, débattre de la folie, ne sont pas choses aisées. En poussant la porte de la galerie Alain Gutharc, l'installation de Romuald Jandolo compose une version radicale et joyeuse. Magistral !

Au 7 de la rue Saint-Claude, la vitrine de la galerie Alain Gutharc exhibe un col bleu surdimensionné. Un air de cirque, marque de fabrique de l'artiste Romuald Jandolo. Réunies sous le titre Le bal des folles, des œuvres se répandent dans l’espace immaculé, laissant entre elles de grands vides, comme autant de silences. Capes géantes, céramiques, petits portraits dessinés, les échelles s’étirent, les couleurs éclatent.

Trois capes sont suspendues au plafond. Surdimensionnées, elles imposent leurs silhouettes. Quels géants ont-elles pu habiller ? Difformes, ornées d’une chainette dorée, deux chaussures vernis noir à talon brillent au sol. Il n’y a plus de corps à étreindre, de pieds à chausser, de visages à moquer, restent les attributs de celles et ceux qui ont osé s’émanciper jusqu’à la folie, jusqu’à l’enfermement qui leur a été imposé pour les écarter du monde. Leurs expressions déforment plusieurs céramiques grimaçantes, dégoulinantes, et des dessins aux couleurs vives. À qui s’adressent ces grimaces, visent-elles celui qui les regarde ?

 

D'un bal à l'autre. Cet étrange état des lieux, cet état d’esprit assumé, s’est nourri de recherches que Romuald Jandolo ne cesse de mener. Ici ce sont les bals organisés à la fin du XIXe siècle à la Pitié-Sapétrière où les femmes internées, autorisées par les médecins à se costumer, étaient exhibées, livrées au regard curieux de la bourgeoisie parisienne. L’artiste se réfère aussi à l’absurde et au subversif de l’œuvre Le bal des folles du dramaturge argentin Copi, où « la folie devient un acte de rébellion contre les normes sociales et une manière de remettre en cause la notion même de normalité ». D’un bal à l’autre, la folie opère au cœur d’un processus esthétique radical.

Les individualités en marge, les invisibilisés, les bannis… Le propos, par essence, n’est pas d’emblée accessible. L'habitude du déni et du détournement de regard ont fait leur travail de sape. Il faut s’en défaire pour pénétrer dans le monde où veut nous conduire Romuald Jandolo. L’imaginaire doit s’activer bien sûr, et les formes composites de l'artiste y contribuent, mais pour emprunter le sillon creusé par Jandolo, il faut pousser les portes qu’il a lui-même ouvertes. Celles de la marginalisation, de la folie, du subversif. L’absurde change de camp, la révolte s’échappe de chacune de ses créations.

Jusqu'au 19 avril, Galerie Alain Gutharc, 7 rue Saint-Claude 75003 Paris

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