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Mot de passe oublié ?Dans le nouveau film de Tony Gatlif, le premier rôle va à la musique. Ange, musicologue, incarné avec une grande justesse par Arthur H, se passionne pour la musique gitane, tzigane, manouche, d’Inde, de Transylvanie, d'Andalousie… « Une musique qui n’a ni nom ni interprète, pas de droit d’auteur, pas de partitions » comme le souligne le cinéaste musicien rencontré lors d’une avant-première à Montpellier. « Les Gitans ne sortent pas des conservatoires, ils ne conservent pas les musiques. C’est libre, tout le monde peut les prendre ». Et c’est ce que fait Ange, ce gadjo qui a adopté le mode de vie des gens du voyage. Alors que le soleil se lève sur une petite route des Pyrénées, il arrête son van tout près d’une croix en pierre. Muni d’une pioche et d’une pelle, il déterre une boîte soigneusement protégée par du tissu, dans laquelle sont rangées des cassettes, des livres, des partitions. « Je partage ce que j’avais dans mes cartons » explique Tony Gatlif pour qui ce film est avant tout une offrande.
La musique, tout simplement. Après avoir traversé l’Europe, Ange retrouve dans les Pyrénées un chemin familier, mais garde en lui ses voyages, les voyages des peuples qui ont fait la musique qu’il aime. Il a adopté le silence, la solitude, la vie sur les routes, les nuits à la belle étoile. « Ce qui l’intéresse chez les Gitans, les Tsiganes, les Manouches… c’est leur philosophie de la vie. Les Gitans vivent dans l’instant présent. Pas le jour-même, mais l’instant même » explique Tony Gatlif, qui fait remarquer qu’ils désignent hier et demain par le même mot. « En s’inspirant de leur vie, Ange leur rend un hommage énorme ». Hommage à travers la musique et à travers la nature que le réalisateur capte dans sa beauté brute. Près d’une vigne, un genévrier plus que millénaire, caressé par sa caméra, occupe l’écran de ses rides. Cet arbre, vieux comme l'histoire et la culture gitane, inspire au cinéaste un poème auquel Arthur H donne sa voix rocailleuse. Plus loin, Ange s’arrêtera devant la fontaine d’un village. « Elle est tarie depuis des années », lui dit l'adolescente qui l’observe depuis son balcon. La sécheresse donnera naissance à d’autres mots pour accompagner la vision de buissons assoiffés.
Qui cherche-t-il ? Pourquoi déterrer ces souvenirs ? Pourquoi ces billets de banque qu'il récupère parmi les pages de livres ? Le voyage d’Ange ne conduit pas qu’à la musique, il le ramène aussi vers des êtres qu’il a laissés derrière lui. Mais Ange compte le temps à sa façon. Les larmes coulent, les retrouvailles avec les amis, avec son ancien amour (lumineuse Marie de Medeiros), sont peu bavardes, le regard suffit souvent, et l’entraide joue pour retrouver Marco, l’ami qu’il a fui sans en dire la raison. Au fil du voyage, la fille de son amour saute dans son van, s'agrippe à cet homme, tente de le connaître… La route reprend son cours.
« Je suis un cinéaste qui voyage depuis quarante ans. Il n’y a pas un moment où je n’ai pas tourné ». Le nombre de ses films en témoigne. Parmi eux, Les Princes, qui se passe en Turquie, Latcho Drom (Bonne route), Exils qui, en 2004, s’arrête en Andalousie avant de gagner Alger, Avec Transylvania c’est la Roumanie… « La musique tsigane a beaucoup voyagé, elle s’est inspirée des autres. Ce mélange est devenu la culture du monde ». Si ces musiques ne sont pas écrites, les films de Tony Gatlif permettent de les transmettre. Son cinéma les fait entendre, ses génériques les identifient. Qui mieux que Toni Gatlif pour rendre hommage à la culture des peuples Rom, à la beauté de leur itinérance musicale riche en métissages ?
Ange, film de Tony Gatlif. Sélection officielle du Festival de Cannes 2025. Sortie nationale le 25 juin. Avec Arthur H, Suzanne Aubert, Maria de Medeiros, Mathieu Amalric, Christine Citti. Musique : Tony Gatlif, Delphine Mantoulet, Arthur H, Fiona Monbet.