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Mot de passe oublié ?Le réalisateur Joe Wright, le créateur et scénariste Stefano Bises et le scénariste Davide Serino étaient à Lille pour la première française de leur série Mussolini : Son of the Century. Luca Marinelli a été récompensé du prix du meilleur acteur de la Compétition internationale du festival Séries Mania pour son interprétation de Benito Mussolini. Dans son speech de remerciement, l’acteur disait « Nous avons plongé dans une exploration de l’humanité et je peux vous promettre que c’est particulièrement pénible ». Comme son nom l’indique, la série raconte l’arrivée au pouvoir du Duce italien et de la montée en puissance du fascisme. Elle est adaptée du best-seller d’Antonio Scurati, M : Son of the Century.
Un timing tristement parfait. Stefano Bises (Adagio) a commencé à travailler sur le roman en 2018, mais la création de la série a été ralentie par le Covid. Ce fut cependant un mal pour un bien, car la montée en popularité du nationalisme et de l’extrême droite qui a suivi fait que le timing de la sortie de la série semble tristement parfait. L’équipe a alors adapté le scénario, pour montrer « comment la démocratie peut être chamboulée par un seul homme » explique le créateur.
Joe Wright (Orgueil et Préjugés) raconte que, lorsqu’il était jeune, comme beaucoup, il accusait quiconque s’opposait à ses idées politiques de fasciste, jusqu’à ce qu’il se renseigne sur la réelle signification du mot. Il espère alors que la série permettra à d’autres de comprendre ce qui se cache réellement derrière ce terme. Réaliser la série lui a également permis de continuer à s’informer sur le sujet.
Pas un monstre, bien un homme. Le challenge que s’était donné l’équipe de la série était de rendre Mussolini proche du spectateur, de faire en sorte qu’il soit regardable, sans pour autant être appréciable. Pour créer cette balance, ils ont choisi de briser le quatrième mur en montrant Mussolini se confier à la caméra. Un dispositif qui estompe la distance souvent perçue à l’égard de personnages qu’il est plus facile de démoniser. La série vise alors à forcer cette proximité au public, de façon à ce qu’il puisse percevoir qu’il ne s’agit pas d’un monstre, mais d’un homme comme les autres, et que le problème peut surgir n’importe quand, venir de n’importe qui. Le public doit alors intégrer sa part de responsabilité dans l’arrivée au pouvoir de telles personnes. Ce rapport intime forcé produit tout de suite un malaise, Luca Marinelli (Les Huit Montagnes) essayant de séduire le public, de la même façon que le dictateur a séduit ses concitoyens.
Un casting parfait. L’acteur fait un travail fabuleux, et a subi une transformation physique qui le rend méconnaissable. Les scénaristes l’avaient en tête pour le rôle en travaillant la série, bien qu’il ne ressemble absolument pas au personnage. Le livre Mussolini as revealed in his political speeches est sorti pendant la création de la série, et son auteur, Antonio Scurati, l’a lu afin de donner aux scénaristes des pistes sur l’élocution de Mussolini, qu’ils avaient commencé à concevoir à partir des articles de Benito Mussolini. Bien que la série soit romancée, ils tenaient à aller au plus près de sa façon de parler au quotidien.
Les scénaristes ont admiré le sang-froid de Luca Marinelli pendant les 127 jours de tournage, malgré la frustration de son rôle, dont les pensées sont à l’opposé de ses convictions. Sa « conscience antifasciste » faisait de lui le candidat idéal, et l’acteur est parvenu à un parfait mélange d’humour et de ténèbres.
Mussolini : une tragicomédie ? « La série se déplace d’un ton à l’autre » estime Joe Wright, passant de la comédie à une ambiance bien plus sombre (et, évidemment, sa fin est tragique). L’ambition était de faire comprendre au public « le monde dans lequel Mussolini opérait », ajoute Joe Wright. Le réalisateur a d’abord voulu recréer une esthétique et des musiques d’époque, avant de se rendre compte que ça ne toucherait pas le public de la façon espérée. Il a alors choisi de faire des anachronismes esthétiques, mais en évitant les montages numériques, favorisant les techniques d’époque. Joe Wright a également choisi de monter la série sur un rythme très rapide, au style de la poésie et des tableaux de l’époque, un rythme qu’il définit de « mitraillette », et qui ralentit au fil de la série.
Le réalisateur explique que l’idée était de montrer comment Mussolini a voulu changer le monde par la violence, sans jamais l’appliquer lui-même. Les scénaristes ne souhaitaient pas montrer le fascisme comme une farce, comme c’est souvent le cas, mais plutôt montrer la manière dont il s’impose, et sa brutalité. Brillant journaliste, Benito Mussolini a insufflé une nouvelle manière de diffuser l’information, afin de manipuler l’opinion publique. Cette technique, que l’on croyait révolue, ressurgit aujourd’hui avec force.
« J’espère que vous allez… apprécier n’est probablement pas le bon terme… tirer quelque chose de cette série. » plaisante Joe Wright. Coproduite par Pathé, la série n’est malheureusement pas distribuée en France. Elle est sortie sur les plateformes Sky et Prime Video.