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Avignon : avec TAIRE, Tamara Al Saadi interroge l’enfance et ses silences

par Véronique Giraud
TAIRE - Tamara Al Saadi © Christophe Raynaud de Lage
TAIRE - Tamara Al Saadi © Christophe Raynaud de Lage
TAIRE - Tamara Al Saadi © Christophe Raynaud de Lage
TAIRE - Tamara Al Saadi © Christophe Raynaud de Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 25/07/2025
Avec TAIRE, Tamara Al Saadi livre un spectacle reliant les désarrois de l'adolescence de la mythique Antigone et d'une jeune fille d'aujourd'hui. La dualité temporelle est servie par une noirceur qu'irradie la lumière théâtrale.

D'où vient le silence de l’enfant maltraité ? Avec TAIRE, Tamara Al Saadi interroge la malédiction d’être enfant dans une famille brisée, par la guerre, par l'abandon. Le besoin pour la jeune Antigone de sauver la mémoire de son frère Polynice, tué et privé de sépulture, et de s'opposer à la volonté castratrice du roi Créon ; le besoin de s’accrocher à une famille bienveillante quand on est abandonnée comme Éden, née d'un viol. La colère, la souffrance peuvent longtemps pénétrer au plus profond d’un être.

Le refus du malheur isole Eden du monde, courber l’échine n'est pas tenable. Affronter la puissance d’un Créon pour la fière Antigone, fille d’Œdipe et de Jocaste, également mère de ce dernier. Déjouer les règles de l’ASE (Aide Sociale à l'Enfance) pour Eden dont l’horizon se résume à l’inconnue des familles d’accueil ou des foyers. S’échapper de l’ordre patriarcal établi dans son pays pour Antigone, s’échapper d’un environnement qui ne fait pas famille pour Éden. Toutes deux ont en commun de lutter pour leur identité propre, et contre une domination dont elles ressentent l’injustice. L’enjeu est crucial. La mort rôde au pays d’Antigone, la soumission au pays d’Éden. Après PLACE, qui mettait en jeu la complexité d'être né quelque part et de vivre ailleurs, la Franco-Irakienne Tamara Al Saadi met en regard le geste de révolte d'une figure antique à la colère désabusée d'une jeune fille d'aujourd'hui, admirablement incarnée par Chloé Monteiro.

 

Tous les chemins de la compréhension. La tragédie, duale, est merveilleusement éclairée et scénographiée par Jennifer Montesantos. Le décor, minimaliste et modulable, sert les allers retour du texte et des changements de rôle pour les comédiens, tous brillants. Tout débute avec le son, puis l’irruption d’un jeune soldat dont les pas, les gestes, la danse, sont soulignés par le bruitage d'Éléonore Mallo, qui ne cessera d’interférer dans la dramaturgie. La musique et le chant auront la même présence, avec la fièvreuse guitare de Fabio Meschini, et le chanteur et instrumentiste Bachar Mar-Khalifé qui les a composés. Le théâtre de Tamara Al Saadi ouvre ainsi tous les chemins de la compréhension, sensorielle, émotionnelle, autant qu’intellectuelle. Plusieurs tableaux marquent le spectacle, tel celui de l’apparition du devin Tirésias, enveloppé d’un halo de lumière dorée et semblant planer au-dessus du sol.

Après que les âmes meurtries ont peuplé le spectacle, Tamara Al Saadi projette la lueur d’un dialogue final entre Antigone et Éden, reprenant l’esprit de Sophocle qui fait dire à Antigone : « Je suis née non pour une haine mutuelle, mais pour un mutuel amour ».

 

La guerre, caricaturée, s’associe d’emblée au propos. Elle sous-tend l’adolescence, celle de la mythique Antigone, et celle bien réelle de l’autrice et metteure en scène, dont la vie a basculé lorsque la guerre Iran/Irak fut déclarée. Elle avait quatre ans. La guerre qui meurtrit aujourd’hui encore le Proche-Orient et, depuis le 7 octobre 2023, la Palestine. Le spectacle terminé, un texte est lu, interpellant le public sur la situation à Gaza. Une façon de rejoindre la réalité, cruelle et radieuse, qui n'est jamais éloignée de ce théâtre de la vie.

 

TAIRE, Texte, mise en scène et scénographie Tamara Al Saadi. Avec Manon Combes, Ryan Larras, Mohammed Louridi, Chloé Monteiro, Mayya Sanbar, Tatiana Spivakova, Ismaël Tifouche Nieto, Marie Tirmont, Clémentine Vignais Musique et jeu : Bachar Mar-Khalifé, Eléonore Mallo, Fabio Meschini.

Assistanat à la mise en scène Joséphine Lévy. Collaboration artistique Justine Bachelet. Chorégraphie Sonia Al Khadir. Création sonore et musicale : Bachar Mar-Khalifé, Eléonore Mallo, Fabio Meschini.

Commande 2025 du Théâtre Dijon Bourgogne CDN, la pièce est jouée les 21, 22, 23 juillet à La Fabrica du Festival d'Avignon.

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