espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Portrait > Clara Jauvart-Lacoste, passion théâtre

Clara Jauvart-Lacoste, passion théâtre

par Jacques Moulins
Clara Jauvart-Lacoste, autrice et metteuse en scène de
Clara Jauvart-Lacoste, autrice et metteuse en scène de "Hubris" présenté au festival off d'Avignon © Bussi
Arts vivants Théâtre Publié le 26/07/2025
Elle a l’audace des créateurs qui sautent le pas. Clara Jauvart-Lacoste a présenté son premier spectacle, Hubris, d’après L’Iliade, au festival Off d’Avignon. Et ça a marché. Portrait d’une femme de théâtre âgée de 28 ans.

Comment naît une passion créatrice ? Les personnalités sont trop complexes pour tenter une réponse. Mais il y a quelque chose comme un bouillonnement, une nécessité de dire, de construire, face à un monde qui lasse de ses injustices et ravit par ses possibilités. Encore au lycée, Clara Jauvart-Lacoste y pense déjà. À la littérature, au théâtre. L’environnement y est propice, Avignon, où la jeune Niçoise passe son enfance, est une ville singulière. Mais embrasser une carrière artistique n’est pas une évidence pour l’entourage. Les parents s’inquiètent, ils proposent un deal rassurant : apprendre un métier et voir venir. Clara fait ses études de droit, obtient son diplôme. Mais lorsque le cabinet d’avocat d’affaire où elle fait son stage lui propose de rester, elle rappelle à ses parents l’autre part de l’accord. Le théâtre et son « amour pour les mots ».

La voilà alors dans le train, direction Paris où l’attend le cours Florent. Un vrai bonheur. Et lorsque, trois ans après, se pose la question de son travail de fin d’étude, elle songe à ce livre de Madeline Miller qui l’a marquée. La jeune écrivaine américaine s’intéresse au Chant d’Achille. L’Iliade et la tragédie grecque, peut-on rêver mieux pour quitter l’école la tête haute ? A-t-elle conscience des dangers qu’il y a à vouloir à la fois écrire, mettre en scène et jouer en choisissant qui plus est une œuvre des plus multiples, des plus difficiles, qu’un débutant, même sous le charme, préférerait remettre à plus grande maturité ? Clara voit elle l’actualité du texte d’Homère dans ce qu’il ne dit pas. Des femmes qui ne sont qu’objets, esclaves, parts de butin. Lors des jeux funèbres pour le deuil de son ami Patrocle, Achille n’offre-t-il pas au vainqueur une femme « experte en maints travaux » d’une « valeur de quatre bœufs » ?

Nous sommes en 2023 et la testostérone qu’on rêvait contenue commence à déborder aux quatre coins de l’univers. Dans les pays les plus puissants de la planète, la guerre redevient une option. Et ceux qui la promeuvent ne sont pas éloignés de cet hubris qui parcourt la tragédie grecque, cet orgueil à vouloir occuper la plus haute marche, à dialoguer avec les dieux. Clara aime « raconter une histoire » et entrainer le public sans démagogie. Elle va donc proposer sa version de L’Iliade où, à l’arrogance d’Achille, s’oppose la parole des femmes que l’on n’entend pas chez Homère, ces esclaves que sont devenues les filles de roi, Briséis et Chryséis. Thétis va endosser l’angoisse de la mère dont le fils est parti à la guerre, et Patrocle, l’ami qui n’a pas la valeur d’Achille sur le champ de bataille, prônera l’amour et la paix.

Elle croit assez en son texte pour ne pas le cantonner à un travail de fin d’étude. La jeune metteuse en scène s’entoure de deux amis du cours Florent et engage deux autres acteurs sur casting. En novembre dernier, la compagnie Paizo est créée. Elle va jouer Hubris pour 18 représentations au Funambule à Montmartre, puis, dans le 11e arrondissement, à la Folie théâtre. Pour 33 représentations cette fois. Clara n’en restera pas là. Sa pièce rencontre du succès, pourquoi ne pas tenter un retour aux sources ? Avignon. La ville et son festival Off sont très convoités et il est difficile de se faire une place parmi les 1 800 spectacles qui candidatent. Mais l’auteure y croit. Comme elle l’a fait avec les théâtres parisiens, elle envoie un dossier au Théâtre de l’Adresse qui, miracle, la rappelle et lui offre son plateau à 15h45. Pour les 17 jours que dure la manifestation. Là encore, c’est un succès pour une première, avec une salle enthousiaste pour la dernière représentation. Le bouche à oreille du festival a fonctionné.

Reste à s’atteler à une seconde écriture. La jeune femme de 28 ans, qui n’a pas encore assez d’heures pour prétendre au chômage des intermittents du spectacle, s’y est déjà collée. Ce sera Le vol de la Joconde d’après un fait divers qui s’est déroulé en 1911, lorsqu’un ouvrier italien travaillant au Louvre a décidé de rendre la toile à son pays d’origine. En pleine affaire Dreyfus, juste avant la plus meurtrière des guerres. Et lorsque certaines femmes commençaient à prendre de l’importance dans la vie sociale et professionnelle.

Partager sur
à lire aussi

Hubris, une première au Off d'Avignon
Fermer