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Marilyn Leray : « C’est le texte qui travaille l’acteur »

par Véronique Giraud
Marilyn Leray ©Maxime Castric
Marilyn Leray ©Maxime Castric
Arts vivants Théâtre Publié le 31/07/2025
Pour Marilyn Leray, le texte est puissant. Alors que l’actualité sociale, voire l’absence de texte, supplante souvent sur scène la création littéraire, la comédienne et metteure en scène explique comment son théâtre naît de la littérature.

Dans votre processus créatif, tout passe par la lecture d'un livre…

Le plaisir donné par une écriture me donne envie de faire théâtre. C’est un processus dont j’ai pris conscience après avoir été longtemps comédienne, puis metteure en scène. En tant qu’interprète de textes, j’ai ressenti que selon l’écriture le jeu se modifie. Je dis souvent que c’est le texte qui travaille l’acteur plutôt que l’inverse.

 

Quel est votre rapport à l’écriture ?

Je ressens plus les textes que je ne les explique, c’est peut-être pour ça que je fais du théâtre, je sais les travailler. Après, je laisse toujours le spectateur se débrouiller avec, c’est sa version intime qui est intéressante.

Quand j’ai découvert L’Attrape-Cœurs de J.D. Salinger, c’est comme si je voyais le texte dit. Pour d’autres textes, comme celui de Faulkner, ce qui m’intéresse c’est pourquoi ça résiste. Actuellement je forme sur scène un duo avec un musicien à la guitare pour dire Le bruit et la fureur. J’aime beaucoup rendre concret une langue qui ne l’est pas forcément. Autant au théâtre qu’en littérature c’est la manière de dire, la manière dont c’est écrit qui parfois m’éclaire, m’aide à entrevoir les choses, à les penser, à continuer. Je suis toujours un peu peinée quand il n’y a pas de travail sur la langue, rendant les choses anecdotiques, alors qu’un travail sur la langue transcende ce qu’on ressent tous.

 

Comment avez-vous procédé pour votre pièce Holden ?

Je travaille souvent par évidence. Je vois des gens jouer et à un moment, entre le texte que j’ai envie de monter et les gens que j’ai vus, ça paraît évident. Pour Holden, j’ai travaillé avec Mégane Ferrat, chez qui j’ai vu la figure de l’adolescence, et l’écrivain et metteur en scène Guillaume Lavenant, dont j’avais aimé Winter is coming. On ne se connaissait pas, et on a commencé des mini résidences dans un lycée de Redon. Le texte s’est construit peu à peu, à la fois en relation avec L’attrape-Cœurs et avec la personnalité de Mégane. Le texte fut achevé en résidence à La chartreuse de Villeneuve lès Avignon.

 

Pourquoi ne pas travailler une écriture théâtrale ?

J’ai eu à un moment une limite à travailler les écritures théâtrales. Quand je me suis confrontée en 2012 à Zone de Mathias Énard, ce livre a été un déclencheur. Ça a été un tel gouffre de mots et de recherches, de plaisir et de difficulté. J’ai adapté Zone en 2017, je l’ai gardé en moi, il m’a travaillé pendant cinq ans. Ça m’a vraiment éclairé sur ce que j’aimais faire, comme je voulais le faire. Je trouve dans la littérature quelque chose qui m’amène plus dans l’imaginaire qu’une pièce de théâtre. Pour l’instant.

 

Vous travaillez beaucoup en dehors de la salle de théâtre, dans les milieux scolaire, carcéral. C’est un goût ou plutôt l’obligation de l’action culturelle ?

D’un côté il y a cette obligation qui est importante, j’ai compris que faire de l’action culturelle pour de l’action culturelle, ça n’a pas grand intérêt, ni pour ceux qui la reçoivent ni pour ceux qui la font. J’aime apprendre et, à travers ces actions culturelles, je continue à travailler sur l’interprétation, sur comment dire un texte, sur ce qui fait théâtre, avec des jeunes gens ou des personnes d’autres milieux. J’aime beaucoup transmettre à des gens qui sont là pour recevoir. En milieu carcéral, j’ai travaillé sur John Kennedy Toole, La bible de Néo, un petit livre passionnant. Depuis que je conçois ça comme ça, il y a quelque chose qui m’intéresse.

 

Votre pièce Holden, programmée dans le OFF d’Avignon, va tourner. Vous avez le projet d’adapter Le bruit et la fureur de Faulkner, où en êtes-vous ?

J’ai commencé des résidences avec beaucoup de gens, des musiciens, des danseurs, des comédiens et comédiennes, mais c’est un gros projet pour lequel je n’ai pas eu encore le financement et il me faut encore du temps pour l’adapter, j’ai reporté le projet. En revanche, je travaille sur le texte de Jorn Riel, un auteur danois, pour une adaptation jeune public. Jorn Riel est un journaliste qui a vécu longtemps au Gröenland, et a retranscrit des contes inuïtes, dont un très joli, Pani, la petite fille du Gröenland, que je vais adapter. Le spectacle sera créé fin 2026 à la scène nationale de La Roche-sur-Yon.

 

 

Après avoir intégré le Conservatoire d’art dramatique de Nantes pendant un an, puis suivi une formation au CRDC-Nantes, Marilyn Leray devient comédienne. Entre 1990 et 2016, elle travaille avec de nombreux metteurs en scène. En 2005, elle co-réalise avec le vidéaste Marc Tsypkine de Kerblay sa première mise en scène, suivront plusieurs réalisations. Le texte Zone de Mathias Enard fait naître une envie différente de travailler, notamment celle de donner la priorité au temps : temps de la réflexion, de la maturation, temps de la construction et de la répétition.

Marilyn Leray travaille au sein de la compagnie Le Café Vainqueur en tant que metteure en scène et comédienne. Elle aborde le plateau en adaptant des romans et textes littéraires. La question de l’adaptation est au centre de son travail. La notion de défi s’invite souvent dans les choix des textes, mais c’est surtout l’écriture qui l’intéresse : emmener l’écriture au plateau et la travailler, pour qu’elle devienne orale et concrète. Ses thèmes de prédilection abordent les questions de liberté individuelle par rapport à la force du groupe, de la norme et du conformisme.

 

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