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Mot de passe oublié ?Sous la direction d’Éric Ruf, son directeur, la troupe de la Comédie-Française reprenait Le Soulier de satin de Paul Claudel dans la cour d’honneur du Palais des papes, moment attendu de la 79e édition. Les comédiens ont joué pendant 8 heures, de 22h à 6h du matin, avec trois entractes de 30 minutes. En ce 19 juillet, très peu de membres du public se sont laissé gagner par la fatigue, la plupart riant aux éclats tout du long, profitant à la fois du jeu des acteurs, de la mise en scène et du lever du soleil. Les applaudissements en témoignaient, faisant revenir les comédiens, ainsi que les techniciens, pour plusieurs saluts.
22h, les spectateurs s’installent dans la cour d’honneur du palais des Papes. Tous les comédiens sont sur scène, dans des costumes signés du couturier Christian Lacroix, et se baladant tranquillement. Soudain, le spectacle commence. Serge Bagdassarian, qui endosse le rôle du narrateur, précise au public les intentions dramaturgiques de Paul Claudel, reprenant ses indications : « il faut que tout soit improvisé, avec du bon de temps en temps ». Jouant de l’humour de la situation à force d’autodérision, Bagdassarian soupire d'avance à l'idée de la longueur de la pièce. Il ajoute « essayez de comprendre un peu. C’est ce que vous ne comprenez pas qui sera le plus beau ». Le public sait déjà que les huit heures vont passer vite.
La Comédie-Française réussit ici les tours de force de faire rire ses spectateurs jusqu’à 6 heures du matin, et d’utiliser le plein potentiel du Palais des papes, jouant dans les gradins, mais aussi aux fenêtres de la façade, et utilisant le public par moments pour ajouter au comique. Sur scène, des musiciens, parfois accompagnant les chants de la troupe, parfois ajoutant au dramatique de la scène… et parfois exécutant les ordres des comédiens qui leur demandent de changer de musique, de commencer à jouer, ou d’arrêter de les interrompre avec leur musique. Les 23 comédiens se rejoignent parfois tous en scène, certains faisant de la figuration ou regardant le jeu des autres.
Une vision nouvelle. Les jeux entre le texte de Paul Claudel et la mise en scène d'Éric Ruf donnent une vision nouvelle de cette pièce, utilisant peu de décors et cachant à peine leurs difficultés, comme lorsque le narrateur déclare « Comme ces indications sont impossibles à réaliser, elles seront habilement remplacées par Doña Musique ». Cette dernière invite par ailleurs le public à se joindre à ses chants, ce qu’il fait à cœur joie, malgré l’heure tardive. Les improvisations permettent également de mettre en avant des problématiques actuelles, comme en a l’habitude la Comédie-Française, ajoutant par exemple au texte « Voilà où va notre argent… l’argent de l’Espagne… dont on aurait tant besoin pour l’enseignement supérieur… et pourquoi pas aussi la culture » sous les applaudissements du public. Le fameux soulier de satin de Doña Prouhèze vole au-dessus des gradins, accroché à un ballon rouge par la comédienne Marina Hands. Les spectateurs, inquiets, le regardent s’envoler en se demandant s’il redescendra un jour, jusqu’à être interpellés : « Mesdames et Messieurs… quand vous aurez fini de regarder le ballon… ». Au fil du spectacle, les acteurs sont maquillés, déguisés, et changent leur langage corporel, afin de refléter les années passant.
C’est avec brio que la Comédie-Française épate une nouvelle fois le public avignonnais, utilisant toutes les ressources à sa disposition et toute sa créativité pour maintenir le public en extase pendant une nuit entière.
Le soulier de satin, de Paul Claudel. Mise en scène Eric Ruf. Avec la troupe de la Comédie-Francaise : Alain Lenglet, Florence Viala, Coraly Zahonero, Laurent Stocker, Christian Gonon, Serge Bagdassarian, Suliane Brahim, Didier Sandre, Christophe Montenez, Marina Hands, Danièle Lebrun, Birane Ba, Sefa Yeboah, Baptiste Chabauty, Édith Proust et Fanny Barthod, Rachel Collignon, Gabriel Draper et Vincent Leterme, Aurelia Bonaque Ferrat, Ingrid Schoenlaub, Anna Woloszyn.