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Mot de passe oublié ?Sa résidence dans la maison de Claude Monet à Giverny en 2011 a marqué son esthétique, une exposition de ses œuvres à l’Orangerie de Paris avait suivi en 2022/23. En 2025, le Fonds régional d’art contemporain (Frac) Occitanie de Toulouse lui offre son hall central, les pièces attenantes, sa mezzanine et son sous-sol. Mickalene Thomas est une immense peintre, photographe, vidéaste, l’exposition en cours aux Abattoirs, All About Love, permet enfin de faire connaître l'étendue de son œuvre au public français.
Née à Camden (New-Jersey,) et vivant à New-York, cette Afro-américaine s’est très vite distinguée par ses portraits à travers lesquels elle a développé un vocabulaire complexe visuel de l’art érotique noir et de l’esthétique queer noire. Sa découverte des compositions de Tom Wesselman (1931 - 2004) au cours de ses études, séries de collages pop montrant des femmes nues, lui a inspiré l’audace du grand format et des aplats couleurs. Peintre, photographe, vidéaste, l'artiste représente elle aussi la femme, celles de sa famille, ses amie, s, ses amoureuses, leur désir, leur sexualité. Toutes ces femmes nous regardent droit. Non pas effrontément ni coléreuses, mais simplement fortes et aimées. Ce qui est chose rare dans l’histoire de l’art moderne occidental auquel Thomas se réfère en parallèle à ses scènes d’aujourd’hui.
Quand Mickalene Thomas reprend les compositions emblématiques de l’art moderne, telles Le déjeuner sur l’herbe de Manet ou L’origine du monde de Courbet, elle peint des femmes noires, nues, consentantes. Ses grandes peintures féminines montrent des femmes se laissant regarder. Et l’effet est sidérant, troublant. Ces derniers temps, l’identité française tend à se construire avec les affaires #Metoo et l’onde de choc du procès Pélicot. L’identité féminine transcrite par Mickalene Thomas part des luttes pour les droits civiques de la population noire des années 60/70 et se réfère aux écrits de James Baldwin ou de la militante et écrivaine belle hooks.
Une féminité réinventée. Dans le pays de Donald Trump on peut mesurer le courage d’imposer en grands formats une culture queer aux attributs brillants. L’artiste américaine est mue par l’amour là où la haine et la masculinité sont moteurs chez les Républicains de la sphère MAGA.
Ses reprises de chef d’œuvre n’ont rien de pastiches, elles réinventent une féminité, comme une reconquête d’un passé où la femme noire n’a jamais eu l’éclat de la femme affranchie. Sur les murs, les grandes figures féminines brillent de perles, de strass et de couleurs vives. Les collages photographiques, souvent en noir et blanc, se lient aux aplats de couleurs, aux papiers peints découpés. L’équilibre de ses compositions témoigne d’une grande assurance.
Outre ces peintures, les hautes voutes de l’ancien abattoir permettent des installations que Mickalene Thomas a conçu loin du minimalisme ou du message subliminal qui sont parfois leur lot. Ici, des salons, des bancs recouverts de tissus d’inspiration africaine, des intérieurs des années 70 reconstitués d’où est diffusée une musique de l’époque, réchauffent d’une simplicité familière les vastes espaces.
Avec Mickalene Thomas, on est face au regard de la femme sur la femme, sur la notion la plus libre et contemporaine du féminin. Sa représentation de la famille, du sexe, du genre garde le poing levé. Ses figures, telles des condottieres féminins, ont la force d’imposer. Elles ne revendiquent pas, elles ont déjà gagné.