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À Agde, Château Laurens retrouve ses trésors de l’art nouveau

par Véronique Giraud
Chateau Laurens, sur les rives de l'Hérault à Agde devoilera ses secrets en juin 2023  © Marc-Sauer
Chateau Laurens, sur les rives de l'Hérault à Agde devoilera ses secrets en juin 2023 © Marc-Sauer
Style de vie Architecture Publié le 18/03/2023
Château Laurens est un magnifique exemple du savoir-faire des décorateurs, artistes et artisans du début du XXe siècle. Entre revers de fortune et occupation nazie, la demeure et son parc ont été malmenés. Ils retrouvent leur splendeur pour bientôt s’ouvrir à la curiosité du public.

L’Agathois Emmanuel Laurens aurait pu tranquillement poursuivre ses études de médecine à Montpellier mais, quand un cousin éloigné, et néanmoins baron, lui lègue son immense fortune, il a 24 ans et décide de ne plus vivre que pour ses passions. partir en voyage autour du monde, faire la fête, et vivre l’aventure. Quelques mois plus tard son père meurt, il hérite alors du domaine familial de Belle-Isle, à la rencontre du fleuve Hérault et du Canal du Midi.

La villa est cossue, sans extravagance. Emmanuel Laurens, dont le père et l’oncle étaient respectivement ingénieur et architecte auprès de la municipalité de Montpellier, veut en faire une fastueuse demeure et un théâtre de ses réceptions. À l'instar de Pierre Loti pour sa maison de Rochefort, il élabore, sans l’aide d’un architecte, le remaniement complet de l’intérieur. Pour en décorer les espaces, il fait appel au savoir-faire et à l'imagination des artistes et artisans de l'époque qu'il met à l'épreuve de ses nombreux voyages.

 

Une décoration résolument moderne. Transformée en villa-palais aux allures de temple antique, la demeure devient un manifeste éclatant de l’art de vivre à la Belle Époque. Ses décors extravagants, son mobilier exceptionnel réalisé par Léon Cauvy, conjuguent des influences égyptiennes, gréco-romaines et orientales. Sa salle de bain avec baignoire-piscine décorée de naïades en faïence des ateliers de Sarreguemines, conçue par le décorateur Eugène Simas, aura l'honneur de publications internationales dès sa création en 1998. La décoration des petits appartements est signée Eugène Simas et Théophile Laumonnerie. La première phase des travaux aura duré trois ans, de 1898 à 1900. Les meubles, vitraux, fresques peintes, ferronnerie et mosaïque, sont réalisés sur commande. Faisant fi des tendances bourgeoises que les riches viticulteurs concevaient pour leurs « folies », Laurens porte son goût vers les créations d’artistes, parfois locaux, résolument modernes. Au tournant du XXe siècle, la villa amène le souffle de la modernité avec son chauffage central et son eau courante, son alimentation en électricité par une petite centrale hydroélectrique. Laurens y donne des fêtes mémorables puis, en 1927 et 1928, se lance dans ses derniers travaux. Il fait décorer le fumoir par son ami le peintre Eugène Dufour, qui réalise un ensemble de fresques évoquant les voyages de Laurens.

 

Une telle splendeur aurait dû résister au temps. Mais les mauvais placements ont mené son propriétaire et sa femme au dénuement, et à un espace de vie limité aux petits appartements au sein de la demeure. Pendant la seconde guerre mondiale, le couple est contraint de cohabiter avec l'armée allemande qui utilise le château pour y loger les officiers et sous-officiers de sapeurs du Génie. Les occupants feront du beau fumoir une salle d'honneur et de réception, et couvriront les fresques de blanc pour y repeindre d’autres fresques avec différentes thématiques comme le patriotisme. A l'entrée de la pièce, un aigle impérial dessiné tient dans ses serres une couronne avec une croix gammée. Après le décès du couple, la maison, que des Montpelliérains avaient achetée en viager, n’est guère entretenue.

 

C’est donc à l’état de ruine que la villa dite « château Laurens » fut reconsidérée par les monuments historiques en 1996 qui décidèrent de sa protection qui « présente au point de vue de l'histoire et de l’art un intérêt public en raison du caractère exceptionnel de son architecture et de son décor intérieur d'inspiration « art nouveau », notamment de la grande qualité de certaines réalisations comme la salle de bain due à Eugène Simas », lit-on dans l’arrêté du Ministère de la culture. La villa fut classée en totalité, au même titre que son jardin, ses bassins, son orangerie et le pavillon de la turbine hydroélectrique avec son dispositif technique. Il revint à la Ville d’Agde, propriétaire des parcelles, d’exécuter sa conservation. Quelques pièces de son mobilier, que la commune a pu acheter aux enchères pour que tout ne soit pas dispersé, sont classées Monument historique. Après plusieurs années de délicats travaux de restauration, son ouverture au public est prévue en juin 2023.

 

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