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Khulood Basel : « Un artiste ne peut créer sans être affecté par le lieu où il vit et travaille »

par Véronique Giraud
L'artiste palestinienne Khulood Basel © DR
L'artiste palestinienne Khulood Basel © DR
Arts vivants Théâtre Publié le 08/09/2025
L’artiste palestinienne et son complice Bashar Murkus, qui vivent et travaillent à Haïfa (Israël), sont venus en Europe pour créer Yes Daddy au Festival d’Avignon avec leur compagnie Théâtre Kashabi. Leur pièce interroge le contrôle de la mémoire des peuples opprimés.

Quel était votre projet artistique lorsque, avec Bashar Murkus, vous avez fondé le Théâtre Khashabi à Haïfa en 2011 ?

Nous nous sommes rencontrés à l’université d’Haïfa où nous partagions un même questionnement sur le théâtre, pourquoi le pratiquions nous, qu’est-ce qui nous animait ? Avec d’autres jeunes comédiens nous avons constitué un groupe qui est devenu en 2011 la compagnie Théâtre Khashabi. Au début nous jouions dans divers théâtres, mais nous voulions pouvoir assumer pleinement nos choix artistiques et rester fidèles à nous-mêmes. En 2015 nous avons pu louer un lieu où installer le théâtre. Nous y accueillions aussi d’autres artistes palestiniens indépendants proposant de la poésie, des arts visuels... Ça a duré 10 ans, après quoi le propriétaire a mis fin à la location. Pour autant, cela ne nous empêche pas de rester une compagnie dont Bashar Murkus est l’auteur et metteur en scène tandis que je suis productrice et dramaturge, chargée du pôle financier.

 

Est-il facile pour vous de rester indépendants et de vous financer alors que vous n’avez plus de théâtre ?

Il s'agit de deux choses différentes. Avoir un espace physique, le louer, supporter les taxes et tous les coûts, est une chose. Être un groupe indépendant avec lequel nous produisons notre travail, parfois en co-production, en est une autre. Dix années d’expérience nous ont forgé mais la situation chez nous est très difficile. Nous avons parfois l'impression d'avoir besoin de nouveaux outils pour pouvoir gérer, compte tenu de la situation politique actuelle, mais ça ne veut pas dire que nous ne produisons plus de façon indépendante, nous travaillons toujours sur nos propres projets. L’important est que l’on puisse choisir comment le faire et c'est en ça que nous croyons.

 

Vous tournez beaucoup en Europe, comment votre travail est-il accueilli par le public, y voyez-vous une forme de solidarité ?

Nous ne voulons pas que les gens viennent nous voir par solidarité mais pour la qualité de notre travail. Avec Yes Daddy* c’est notre deuxième passage au Festival d’Avignon. Nous nous considérons comme des artistes qui travaillent en Palestine, mais nous nous adressons au public du monde entier. Nous avons le sentiment que nous avons des questions importantes à porter sur scène, qui peuvent interroger non seulement le public de Palestine, mais également de France et d’ailleurs. Le public doit toujours pouvoir s'identifier, être mis au défi de s'interroger sur les questions que nous posons. Mais bien sûr, nous souhaitons que les gens ressentent une solidarité́ envers les Palestiniens et se mobilisent pour agir pour la Palestine.

 

Avec Yes Daddy vous travaillez sur la mémoire, sur ce qu’est la réalité́ et ce qui ne l'est pas. Qu'est-ce qui vous a fait choisir ces thèmes ?

Eh bien, à travers ces thèmes nous n’abordons pas seulement la situation actuelle en Palestine, mais celle de toute l’humanité. Pour nous ça a commencé avec la guerre de 1948. Depuis cette époque les méthodes et les armes ont évolué, mais la finalité reste la même, détruire la mémoire des Palestiniens, leurs lieux mémoriels. Donc c’est toujours là dans nos créations. Je ne crois pas qu'un artiste puisse créer d'œuvre sans être affecté par le lieu où il vit et travaille. Mais on voit bien que ce thème est aussi universel.

 

Comment avez-vous travaillé sur Yes Daddy ?

Notre première question était : que se passe-t-il quand quelqu'un occupe notre mémoire et notre histoire, pas seulement notre présent et notre futur, et qu'il pourra nous contrôler et changer notre avenir ? Nous ne voulions pas mettre un personnage face à un autre. Nous voulions éviter de donner des réponses toutes faites sur des questions qui touchent à la dignité ou à la loyauté. La vérité n’est jamais évidente, aux spectateurs d’apporter des réponses même si pour cela ils doivent résoudre des conflits intérieurs.

 

 

Khulood Basel et Bashar Murkus ont présenté, du 24 au 26 juillet au Festival d’Avignon, Yes Daddy, un huis clos sombre qui explore les violences patriarcales entre deux générations. Le spectacle a été créé en juillet 2024 au Khashabi Theatre, lieu aujourd’hui fermé. Un projet imaginé à Haïfa par les deux artistes et leur collectif, qui travaille depuis 2011 à la survie d’un théâtre palestinien entièrement indépendant, refusant toute subvention publique de l’État israélien.

Yes Daddy est au programme du Théâtre des 13 vents - CDN de Montpellier les 6 et 7 novembre 2025 dans le cadre de La Biennale des Arts de la scène en Méditerranée

 

 

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