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A Cinemed, Kaouther Ben Hania donne voix à Hind Rajab

par Élisabeth Pan
L'équipe de La Voix de Hind Rajab, lors de l'avant-première au festival Cinemed.
L'équipe de La Voix de Hind Rajab, lors de l'avant-première au festival Cinemed.
Standing ovation pour Kaouther Ben Hania lors de l'avant-première de La Voix de Hind Rajab au Cinemed.
Standing ovation pour Kaouther Ben Hania lors de l'avant-première de La Voix de Hind Rajab au Cinemed.
Cinéma Publié le 22/10/2025
La réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania était ce 18 octobre à Montpellier pour présenter au festival Cinemed son nouveau film : La Voix de Hind Rajab. Le long-métrage, qui mêle fiction et réalité, a bouleversé le public.

La réalisatrice Kaouther Ben Hania est connue pour jouer avec la limite entre le film de fiction et le documentaire. Souvent invitée du festival montpelliérain Cinemed, la cinéaste tunisienne revient cette année présenter en avant-première son long-métrage La Voix de Hind Rajab. Le film a déjà reçu le Lion d’Argent à la Mostra de Venise, mais il s’agissait, ce 19 octobre, de la première française. La réalisatrice travaille par ailleurs sur un film dont le tournage se fait à Montpellier. Elle l'a mis en pause il y a un an pour réaliser La Voix de Hind Rajab, après avoir entendu des extraits de l’appel au Croissant-Rouge sur les réseaux.

 

L’histoire de Hind Rajab. Hind Rajab était une enfant palestinienne de 5 ans. Le 29 janvier 2024, sa famille fuit le quartier de Tel Al-Hawa, sous les tirs de chars de l’armée israélienne. La tante, l’oncle et les quatre cousins de Hind meurent dans la voiture, et sa cousine de 15 ans appelle le Croissant-Rouge palestinien. L’adolescente est touchée par un tir mortel pendant son appel, laissant Hind seule survivante. Pendant plus de trois heures, les humanitaires restent au téléphone avec l’enfant, coincée dans la voiture entourée des corps de sa famille, en attendant de lui envoyer une ambulance. Cette dernière, enfin approuvée par tous les circuits nécessaires, se met en route mais n’atteindra jamais Hind Rajab, car elle est prise pour cible par les forces israéliennes malgré leur approbation de son passage. Pendant douze jours, les membres de l’organisation humanitaire du Croissant-Rouge sont sans nouvelles des sauveteurs et de l’enfant, et décident de poster des extraits des appels sur les réseaux, afin d’éveiller les consciences des internautes.

C'est à ce moment que Kaouther Ben Hania les entend, et elle décide de raconter leur histoire afin que cette enfant ne soit pas qu’un nombre, qu’une statistique, trop consciente de l’insensibilité des gens par rapport aux images de Gaza partagées sur les réseaux, devenues presque une banalité. « Ce film, j’aurais préféré ne pas ressentir le besoin de le faire » déclare-t-elle.

 

Un jeu entre la fiction et le documentaire. Son expérience du documentaire permet à la réalisatrice d’aborder ce film sans sensationnalisme des faits. Elle choisit la fiction pour ce projet car elle veut communiquer au public son propre ressenti : que l’enfant lui demande de l’aide. Cette sensation d’impuissance ne pouvait être traduite qu’en replaçant le spectateur dans le moment, tandis qu’un documentaire aurait apporté une impression de passé, que rien ne peut être fait. La fiction nous offre cet espoir, malgré nous. « Je tenais quand même à faire revenir les spectateurs dans une réalité ancrée » dit Kaouther Ben Hania.

Après avoir contacté le Croissant-Rouge afin d’obtenir les enregistrements des appels, elle contacte la mère de Hind Rajab, qui prend très vite part au projet et dont un extrait d’interview avec la réalisatrice est ajouté au film. « Je savais qu’on allait atterrir dans la réalité. » dit cette dernière. Elle a également rencontré les « vrais » protagonistes du drame. Ils ont collaboré au scénario et ont été mis en contact avec les acteurs, choisis notamment pour leur ressemblance physique, afin de leur donner une meilleure vision de leurs ressentis au moment des faits. Ces derniers étaient tous palestiniens, et « ils étaient en mission pour raconter cette histoire » dit Kaouther Ben Hania. Elle voulait que le public puisse se mettre à la place des employés de l’association, et humaniser les protagonistes avec un aperçu de leur quotidien.

 

Un double huis-clos. Le film est un huis-clos chargé de tension et d’urgence, montrant les humanitaires du Croissant-Rouge impuissants, incapables d’intervenir directement, et empêchés de faire leur travail par les protocoles. Kaouther Ben Hania souhaitait montrer ce système de domination : « Il n’y a pas que le tank, il y a tout ce qui a permis au tank d’être là. » De l’autre côté du téléphone, il y a la voix de Hind Rajab. « C’est un huis-clos, mais il y a un autre lieu qui se passe dans le son » explique la réalisatrice, qui a choisi d’utiliser les enregistrements originels, et de faire interpréter l’autre partie des dialogues aux acteurs, qui se trouvaient parfois incapables de jouer, envahis par l’émotion face à cette voix qui n’est plus aujourd’hui. La fiction et la réalité se mêlent alors, avec notamment des extraits montrant des comédiens écouter l’enregistrement sans jeu, et une mise en abîme habile avec une vidéo prise ce jour-là qui est superposée au jeu des comédiens.

La réalisatrice confie qu’en général, à force de travailler un film en post-production, tout ce qu’elle remarque sont les détails techniques, et elle devient assez insensible au contenu. « Sauf avec ce film. »

 

La Voix de Hind Rajab a marqué le public du festival Cinemed. Lors de l’échange entre la salle et Kaouther Ben Hania, à la fin de la projection, une spectatrice a dit « J’ai 17 ans et je crois que je viens de voir un film qui va me marquer toute ma vie. »

Le film sortira en salles en France le 26 novembre.

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