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Cinemed : My Memory is Full of Ghosts, portrait inédit de Homs

par Véronique Giraud
My Memory is Full of Ghosts ©ALFILM
My Memory is Full of Ghosts ©ALFILM
Cinéma Film Publié le 22/10/2025
Avec My Memory is full of Ghosts, Anas Zawahri a réalisé un portrait amoureux de la ville de Homs. Un tournage périlleux en 2023, la rencontre avec les témoins des épreuves, leur relation à la ville et aux autres, les longs plans fixes sur les quartiers, le silence, donnent une vision inédite de la ville syrienne prête à se relever.

Les chansons si présentes dans les rues, les maisons, les boutiques de Homs ne sont plus. Le silence domine, beaucoup de gens ont fui, d’autres sont morts ou ont été kidnappés. Alors dans son long métrage documentaire, My Memory is Full of Ghosts, sélectionné au festival Cinémed, Anas Zawahri nous fait écouter sa bande son des chansons d’amour sans lesquelles son portrait de la ville n’aurait pas été complet. Les voix d’habitantes et d’habitants de Homs, qui n’apparaissent pas à l’image, mais dont les mots résonnent comme l’autre mémoire de la ville anéantie par la guerre, ont été enregistrés. Chants et paroles de témoins alternent alors que la caméra est figée sur un quartier de la ville, puis un autre, et un autre encore. Laissant le temps de se familiariser avec une ville dont les images terribles ont beaucoup circulé dans le monde.

Le contraste est extraordinaire avec les images d’une ville assiégée, avec les extraits spectaculaires diffusés en boucle à la télévision et sur Internet des images prises par des cameramen qui courent, tremblent, et dont la bande son est le bruit terrible des bombardements, les cris des survivants, dans la poussière provoquée par l’effondrement des habitations. Sous le soleil et dans le calme, Homs offre bien sûr ses façades éventrées, mais on voit les gens circuler, on écoute les paroles des survivants.

 

Une réalité nouvelle. Le mouvement de rares voitures, l’animation d’un marché, le travail des garagistes, de l’affuteur donnent la vision d’une ville qui peu à peu reprend vie, d’habitants et d'artisans qui reprennent les gestes du quotidien. Ces longs plans rendent Homs presque familière. La caméra s’arrête aussi longuement devant des hommes qui prennent la pose, devant une jeune femme digne qui n’a plus ni toit ni famille. Ceux qui restent ne voudraient pas aller vivre ailleurs, ne veulent pas quitter leur ville et ne rien faire pour elle. C’est l’un des témoignages, une voix féminine qu’on entend au début et à la fin du film : « j’aimerais beaucoup faire quelque chose pour la ville, mais la ville n’a rien à donner ». C'est la réalité nouvelle captée par un cinéma syrien en train de se former.

 

Créer un patrimoine iconographique et mémoriel de la guerre. Pour parvenir à un tel résultat, il aura fallu du courage. Le tournage a été précipité, deux mois par prudence. Pour contourner la censure et déjouer les contrôles policiers, l'équipe s'est déplacée avec un document officiel d'une église stipulant qu'elle était chargée de réaliser des vidéos destinées à montrer le retour à la vie à Homs, et son quotidien retrouvé. Les témoignages ont été enregistrés pendant et après le tournage, sous couvert d'anonymat. Les images, étonnantes de neutralité, se juxtaposent avec les récits terribles, de résilience, de résistance, où espoir et désespoir s'entremêlent. Ce patrimoine iconographique et mémoriel de la guerre s'accompagne d'un autre patrimoine, la chanson. Les destructions et les disparitions auxquelles le peuple a assisté guident l'esprit du cinéma d'aujourd'hui. Avant de construire les images de demain, construire un patrimoine, avec des images et des sons d'aujourd'hui, est une une urgence. Seuls les cinéastes syriens et vivant en Syrie peuvent le produire pour les générations à venir. Une nouvelle histoire du cinéma syrien se dessine aujourd'hui, dans les décombres et les précieux souvenirs des survivants.

 

Une trilogie de Homs. My Memory is Full of Ghosts fixe les extérieurs de Homs, depuis ses rues, et la plupart des personnes filmées sont des hommes. Le prochain long-métrage, que le réalisateur est en train de tourner en Syrie, montrera l’intimité des habitations et donnera la parole et l’image aux femmes, soutiens du fonctionnement de la ville et actrices de sa reconstruction.

Malgré les sourires, le désespoir plane, les traumatismes reviennent à la surface, le manque de perspective pèse. Le tournage de My Memory is Full of Ghosts a eu lieu pendant la dictature, et lorsque l'équipe s'est demandée s'il pourrait être diffusé, ce fut la chute du régime el-Assad. Avant Cinemed, le film-documentaire a été présenté en 2024 au festival Visions du réel où il a été récompensé d'une Mention spéciale. Comme le souligne le réalisateur, le nouveau gouvernement ne se préoccupe pas du sort des gens de Homs, reste à espérer le retour de ceux qui sont partis. Un retour qui sera au cœur d'un futur long métrage, et clôturera cette trilogie de Homs.

 

Né en 1987, le Palestinien Anas Zawahri vit en Syrie. Il a participé à de nombreux ateliers sur le cinéma et a également réalisé de nombreuses œuvres expérimentales et d'art vidéo. Son premier film, An Ordinary Day, une courte fiction, a été réalisé en 2020. Il enseigne dans une école de théâtre de Damas, où il vit. Il appartient à une association, Harmony Forum, qui s'est donné comme mission de propager la paix par l'art. Son prjet à travers la fiction est d'évoquer la rue syrienne des 20 dernières années.

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