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Mot de passe oublié ?Au cinéma, les rencontres façonnent les personnages. Pour Rezan Yesilbas, ce fut dans la ville kurde de Diyarbakir, la ville natale du réalisateur, avec Kadir, un vendeur de rue confectionnant des boulettes. Sur grand écran, le personnage s’appelle Kadir. Marié et père de deux enfants, il est lui aussi vendeur de boulettes à Diyarbakir. Et comme le vrai Kadir, il nourrit un rêve fou : voler en maîtrisant son parapente à moteur, une initiation qui occupe tout son temps libre. Ni le poids des traditions, ni sa famille inquiète du qu’en dira-t-on, ni les recommandations de la police, ni même son paramoteur récalcitrant ne pourront l’empêcher de poursuivre son rêve. Cuisinant la nuit, à un carrefour de la ville, Kadir part en voiture l’après-midi avec dans le coffre, son parapente et un moteur bricolé, en quête de vent favorable. Il s’entraine d’abord seul puis, par l’intermédiaire d’un enseignant ami, se fait aider par un ingénieur qui faute de mieux, travaille dans une laverie de voitures. L’humour de Kadir n’est pas du goût de tout le monde, peu importe. Il est également indifférent aux peurs, aux pressions de la société et du gouvernement, comme aux tentations illicites qui gouvernent son entourage proche. La soumission à l’interdiction de boire, l’ambition de gagner plus, la richesse de son beau-frère profitant par la corruption et l’inflation de l’immobilier, l’acquisition d’une maison plus spacieuse… Rien de tout cela importe à celui qui reste fidèle à son rêve d’enfant et n’aura de cesse de le réaliser.
L’existence de la ville de Diyarbakir, où le film a été entièrement tourné en 2021, a retenti en Occident lorsqu’elle fut, le 6 février 2023, le théâtre d’un terrible tremblement de terre qui fit au moins 18 300 victimes. Dans les différents combats de cette partie du Proche-Orient, les combattants et surtout les combattantes kurdes ont fait l’objet de nombreux articles, tout comme la répression orchestrée par le président Erdogan. C’est que la négation de la culture kurde est une longue histoire en Turquie. D’institutions, mais aussi d’hommes et de femmes. C’est ce que montre ce long métrage qui aurait pu être un documentaire, tant il se rapproche de la réalité, mais le réalisateur a préféré lui donner la dimension de la fiction, à la hauteur d’une personnalité. Kadir, qui a suivi tout le tournage et les équipes, a formé les acteurs au parapente. En 2023, il a péri avec sa femme et ses enfants dans le tremblement de terre. Rezan Yesilbas, qui avait filmé Kadir avec sa famille et lors de ses essais pour voler, a également le projet de réaliser un documentaire de sa vraie histoire.
Rezan Yesilbas ne fait pas le portrait d’un héros, il pose sa caméra sur un homme simple, dont la femme, parfois exaspérée, assure le quotidien et les relations avec la famille. Ni soumise, ni rebelle, elle témoigne d’une droiture et d’une dignité malgré les commérages qui vont bon train et les reproches de la famille. Kadir attendrit et nous entraine derrière lui. Son entêtement laisse chacun démuni, et on se prend à espérer avec lui.
The Flying Meatball Maker (Le fabricant de boulettes volant) représente la Turquie en compétition. C’est le premier long métrage de fiction de Rezan Yesilbas. Le réalisateur était déjà venu à Cinemed pour présenter son court-métrage, The Silent, qui avait remporté la Palme d’or du court-métrage au festival de Cannes en 2012.