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Mot de passe oublié ?Le réalisateur libanais Cyril Aris n’est pas un inconnu du Cinemed. Il y avait présenté son premier court-métrage en 2017, puis ses deux documentaires, dont il dit : « Je me suis dit que c’était complètement inutile d’écrire une fiction quand l’histoire se passe juste devant moi. » Son premier long-métrage de fiction, Un monde fragile et merveilleux, avait été présenté au festival montpelliérain à l’état de projet en 2021, recevant une bourse d’aide au développement. « Je suis content d’être ici, d’autant plus que Beyrouth et Montpellier, ça se ressemble un peu en culture, et en humour » plaisantait le réalisateur. Son film prend le parti de conter le contexte difficile de Beyrouth à travers une histoire d’amour, celle de Nino et Yasmina, amours d’enfance qui se retrouvent vingt ans plus tard. Ils tentent alors de construire leur avenir dans un pays où tout est incertain, mais qu’il leur est difficile de quitter.
Un début descriptif. « Le film se résume au tout premier plan » affirme Cyril Aris. Il commence dans un hôpital où deux enfants, les protagonistes, naissent à une minute d’écart… Alors que quelques mètres plus loin, Beyrouth est bombardée. « C’est un massacre parmi tant d’autres, une naissance parmi tant d’autres, une guerre parmi tant d’autres » raconte le réalisateur. Cette histoire n’est pas venue au scénariste par hasard. Il s’est inspiré de la naissance de Mounia Akl, qu’il avait en tête pour le rôle de Yasmina, née dans un couloir d’hôpital, loin des fenêtres, pour la protéger des bombardements. La réalisatrice avait d’abord refusé le rôle, n’ayant jamais été de l’autre côté de la caméra, mais a accepté en lisant cette scène. Ce premier plan donne le ton du film, illustrant à la fois la guerre, les explosions et la naissance, à la fois ce monde fragile et merveilleux.
Construire un avenir dans un pays fracturé. La question que voulait exploiter le réalisateur est celle posée par beaucoup de sa génération : faut-il faire des enfants dans le monde actuel ? « Bien que le contexte soit très spécifique et très libanais, j’étais certain que ce serait cette question qui parlerait au public international » estime Cyril Aris. Dans sa génération, de moins en moins de couples souhaitent faire des enfants, que ce soit pour des raisons économiques ou politiques. Au Liban, les relations romantiques sont bercées par la rudesse politique du pays. « Il est très dur de faire abstraction de tout ce contexte-là », explique le réalisateur qui apporte cependant une note poétique à cette histoire d’amour quelque peu fantastique, de ces deux êtres nés à une minute d’écart qui se retrouvent toujours, comme liés par le destin.
On peut enlever le Libanais du Liban, mais pas le Liban du Libanais. Lors de sa visite au Cinemed, Cyril Aris a souvent fait référence au proverbe : on peut enlever le Libanais du Liban, mais on ne peut pas enlever le Liban du Libanais. Malgré le contexte politique, beaucoup peinent à quitter leur pays natal, cherchant toutes les solutions pour y rester avant de s’y résoudre. Les protagonistes représentent chacun un côté de ce débat, Nino étant l’éternel optimisme et Yasmina la réaliste cynique. « On choisit d’être optimistes, on choisit de croire, d’espérer et de rêver, mais au fond on est tous comme Yasmina, dit le réalisateur. Je voulais vraiment parler de cette relation qui est assez ambivalente, entre l’amour du pays et la désillusion. » Dans la salle de projection, plusieurs spectateurs libanais se reconnaissaient dans ces propos, disant que le film leur avait rappelé combien leur pays leur manquait, malgré le danger ambiant. Cyril Aris donne cependant un ton d’espoir à son film, ajoutant des touches d’humour assez caractéristiques du cinéma libanais. « On retrouve cet humour qui ressort comme un outil de survie » décrit-il.
Un monde fragile et merveilleux a gagné le Prix jeune public des activités sociales de l’énergie, et le Prix des exploitants décerné par La Gazette de Montpellier pour la musique d’Anthony Sahyoun. Il sortira en salles le 18 février 2026.