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Mot de passe oublié ?Cinemed, le grand festival du cinéma méditerranéen organisé à Montpellier, programmait pour sa 47e édition, une rétrospective des films de Fernando Leòn de Aranoa. De Familia (1996) à A Perfect Day (2015), Escobar (2017) et El Buen Patron (2021), les longs métrages du scénariste et réalisateur espagnol multi primé prennent le chemin de la comédie pour mettre la lumière sur les mécanismes de notre société. Ils témoignent aussi de l’immense amour que le cinéaste porte aux acteurs à qui il confie ses films.
Vous faites un long travail de documentation, aussi bien pour vos documentaires que pour vos fictions. Comment naviguez-vous entre imaginaire et information ?
C’est intéressant, parce que la limite n’est jamais claire. Les deux doivent travailler ensemble, d’un côté l’imagination, de l’autre côté la réalité ou les recherches que j’ai faites. Elles interagissent d’une façon qui n’est pas toujours facile à prédire. Parfois ça fonctionne, parfois ça ne fonctionne pas, mais ce qui est certain, c’est que la réalité nourrit l’imagination. Et parfois on trouve, dans de vraies personnes, peut-être juste une réplique, peut-être quelque chose qu’elles ont dit, ou la façon dont elles l’ont dit, quelque chose qui finira dans le script ou dans le personnage. J’adore l’imagination, c’est très amusant de s’imaginer quelque chose et qu’elle se réalise ensuite, j’adore aussi la réalité. Pour moi, les deux sont géniales, et j’essaie de les faire fonctionner ensemble. Mais c’est dur à dire, il n’y a pas de formule précise.
L’humour et la dérision tiennent une grande place dans vos films qui décrivent souvent des situations particulièrement dramatiques. Est-ce que l’humour ajoute une dimension à la fiction ?
L’humour fait partie de la vie. Ce n’est pas tant que j’essaie de mettre de l’humour dans mes films pour obtenir une réaction ou pour faire que le spectateur se sente mieux, l’humour est juste là. Et parfois j’ai l’impression que plus l’humanité est dramatique, plus l’humour est fort. Je pense qu’ils fonctionnent ensemble et, encore une fois, l’humour fait partie de la vie. Donc quand j’écris un script, une séquence, et que je traite un personnage dans une situation qui est parfois difficile ou dramatique, l’humour est là. Il apparaît, c’est comme si je ne pouvais pas l’arrêter, il arrive juste. Ce n’est pas planifié.
Le spectateur se retrouve dans la dimension sociale de vos films. Quel est le secret ?
Je pense que l’identification dans un film vient toujours des personnages. C’est toujours les personnages. Si vous tenez à eux, vous allez rester assis dans le cinéma pour regarder le film. Si vous n’avez aucune affection pour eux, autant oublier. Lorsqu’on écrit, il faut être attaché à ses personnages, sinon comment peut-on s’attendre à ce que le public s’attache à eux ensuite. Donc quand on écrit, il faut établir une sorte de connexion personnelle avec les personnages et les apprécier. Parfois on en arrive à les aimer. Pas toujours, mais parfois. Et je pense que c’est important. Et si ça arrive, si ça arrive lorsqu’on écrit un script… on peut se dire que ça arrivera plus tard, mais si ça n’arrive pas en écrivant le script, ça n’arrivera jamais plus tard. Donc je pense que ça fait partie de cette connexion personnelle avec le personnage lors de l’écriture, je pense que c’est comme ça qu’on fait. Et parfois, avec un peu de chance, peut-être que l’audience est de leur côté, tient à eux.
Vos scénarios sont précis, votre direction d’acteur rigoureuse. Avez-vous le film intégralement en tête lors du tournage ?
Oui, complètement. Parfois, j’en rigole même en disant, avant de faire le film : « J’ai déjà vu le film, et je dois dire qu’il est très bon ! » Mais c’est également très difficile de travailler comme ça. J’ai le film en tête, ce qui est très bien parce que j’ai une idée très claire de ce que je veux faire, mais c’est aussi un souci, parce que c’est si limpide qu’il faut que tout soit exactement comme c’est dans ma tête. Et parfois, ce n’est pas facile à cause de beaucoup de raisons différentes. Je parle des localisations, des costumes et, évidemment, des personnages et des performances. Et puis on se débrouille, et je fais de mon mieux pour atteindre ce que j’ai en tête. Mais je dois aussi comprendre que les partenaires et les acteurs amènent de très bonnes idées qu’il serait stupide d’ignorer. Je dois garder l’esprit ouvert pour eux et pour toute l’équipe de tournage, mais surtout pour les acteurs qui amènent parfois de magnifiques idées et suggestions pour leurs personnages, pour leurs textes. Je dois me rappeler de rester ouvert à ça parce que c’est important.
Vos projets à venir ?
J’écris depuis deux, trois ans pour deux projets sur lesquels je travaille, et je suis très proche d’avoir un script pour les deux. Maintenant, on est sensés commencer à chercher la production et les financements, donc ce n’est pas forcément le bon moment pour en parler, mais j’ai hâte de commencer la production et le tournage et de travailler avec les acteurs et tout ce qui s’en suit.
Diplômé en Sciences de l'Image de l'Université Complutense de Madrid, où il est né en 1968, Fernando Léon de Aranoa débute comme scénariste au milieu des années 90. En 1997, il écrit et réalise Familia, dont le sujet décalé (un cinquantenaire engage des comédiens pour camper le rôle des membres de sa famille) et le traitement inhabituel (mise en abyme) récoltent le Goya 1998 du Meilleur réalisateur révélation. Le film est également récompensé lors de la 41e Semaine Internationale du cinéma de Valladolid et dans de nombreux autres festivals. Un an plus tard, Fernando Léon de Aranoa signe Barrio qui remporte deux prix aux Goyas 1999 (Meilleur réalisateur et Meilleur scénario original). Scénariste du film fantastique Fausto 5.0, Grand Prix du Festival de Gérardmer 2002, il réalise Les Lundis au soleil, troisième long métrage lauréat de cinq Goyas 2003 (Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur acteur (Juan Bardem)) qui lui assure une notoriété mondiale.
En 2005, sort Princesas, un portrait de deux prostituées à Madrid. En 2010, il revient avec un cinquième long-métrage, Amador, sur une femme immigrée. Entre ces films de fiction, il réalise deux documentaires : Caminantes (2001) et Invisibles (2007), pour lequel il reçoit un Goya et où il suit des membres de Médecins sans Frontières dans le nord l'Ouganda. C'est à ce moment que naît l'idée de A Perfect Day, un film sur un groupe d'humanitaires en mission dans une zone en guerre. Ce 7e long métrage est servi par un casting prestigieux composé notamment de Benicio del Toro, Mélanie Thierry et Tim Robbins.