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Mot de passe oublié ?Après un focus dédié au Maroc en 2024, Cinemed a mis son projecteur sur le nouveau cinéma syrien, en invitant une dizaine de jeunes cinéastes, en montrant des productions des dix dernières années, en échangeant sur ses avancées et ses freins en vue de sa reconstruction, de la refonte de son identité. Pour sa 47e édition, le festival a offert l’opportunité au public et aux professionnels de reconsidérer la réalité de la Syrie mise en image par ses cinéastes. La sélection de trois longs-métrages, trois films documentaires et trois courts métrages a rendu compte d’une production dont on ignore à peu près tout tant ce pays a été uniquement « décrit » par les images terribles d’un régime sanglant et de la guerre, telles qu’elles étaient attendues par l’Occident. `
Dans l’obscurité des salles de l’opéra Corum et du Centre Rabelais de Montpellier, les films des réalisateurs syriens ont témoigné d’un réel et d’une conscience qui réinterrogent l’usage et la fonction des images. Si réaliser un film est un acte de création individuel, intime, il a la force d’incarnation et de partage de réalités et de récits qu’il aurait été impossible de saisir autrement. Dans un pays en guerre ou soumis à la dictature, le cinéaste fait à la fois office de lanceur d’alerte et de gardien de la pensée que l’art est nécessaire pour éclairer et réchauffer le présent.
L’art comme acte de résistance. Le processus de création et de production de ces films, dans un pays où le cinéma d’auteur n’a pas droit de cité, contribue à donner la dimension d’un art comme acte de résistance, de résilience, de courage. Les conditions mêmes de leurs réalisations, qu’éclaire la rencontre avec leurs auteurs après les projections, font partie de l’œuvre. Ainsi des refus qu’il aura fallu déjouer, des ruses qui auront prévalu pour poursuivre un tournage, d’une actualité ou d’un fait divers qui auront suscité l’envie d’en faire un film.
D’un film à un autre, le fond et la forme diffèrent, les histoires foisonnent de situations et de personnages, les partis pris sont divers, mais tous racontent la Syrie comme pour la première fois. La liberté et l’imaginaire du créateur ont dépassé les volontés de taire, les intimidations, les tentatives de décourager, les pressions des familles ou des amis. À Cinémed, les cinéastes sont une dizaine, réunis par le collectif Al Ayoun (Les yeux en arabe) qu’animent deux jeunes réalisatrices syriennes, Sara Kontar et Diala Al Hindaoui, qui se sont donné pour mission de faire connaître et promouvoir les photographes et cinéastes syriens.
La création d’un patrimoine cinématographique. « Nous voulons raconter notre histoire par nous-mêmes, sans intermédiaire » dit en préambule Sara Kontar, insistant sur la nécessité de créer une archive intégrale du cinéma syrien depuis des origines, afin que la nouvelle génération puisse s’en nourrir pour créer et transmettre. Les autrices et auteurs présents, représentant le patrimoine de ces dix dernières années, étaient réunis pour la première fois lors de la journée consacrée à la reconstruction de cinéma syrien. Chacun a manifesté sa joie d’avoir pu échanger, entre ceux qui vivent et créent en Syrie et les exilés vivant et créant depuis la France, l’Allemagne ou Doha. Rappelant que la Syrie n’est pas une mais mosaïque de populations, qu’elle se distingue par sa diversité, les cinéastes ont tous appelé de leur vœu la création d’une unité patrimoniale et protectrice de la liberté de créer, voire l’organisation d’un syndicat, d’une assemblée officielle capable d’imposer les droits du cinéaste syrien. Tout est à faire, l’espoir d’un avenir meilleur partage, car la peur n’a pas quitté complètement les corps et les esprits.