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Mot de passe oublié ?Dans le calme de la nuit dans un local associatif déserté, une méduse phosphorescente nous parle avec douceur avant de nous présenter Bobby, endormi sur un matelas gonflable en forme de homard. Le réveil sonne, Bobby se lève, range son homard, s’ensuit un spectacle au rythme endiablé. Celui d’adhérents à une association réunis pour faire vivre un collectif capable d’attirer, en organisant des anniversaires et des spectacles, la population d’une petite ville assoupie. Aucun n’a fait d’école de théâtre, de cirque ou de comédie musicale, mais chacun déborde d’énergie et d’astuces pour faire vivre ce local, également salle des fêtes, auquel ils tiennent beaucoup.
Nullement découragés par le manque de moyens, ils portent les uns sur les autres un regard bienveillant, s’encouragent à vaincre leur trac, dans des prestations qui prêtent à rire autant qu’elles touchent par le don de soi. Mais lorsque le maire de Gouzin leur annonce le report de la subvention pour isoler le local, puis que le local va être vendu, après un court abattement général, l’énergie et l’imagination du groupe sont décuplées. Agrandi de deux personnages que le hasard a conduits jusqu’au lieu, le collectif décide à l’unanimité de préparer et de financer une soirée Paëlla en produisant un spectacle qui, tous en sont certains, attirera un public plus nombreux que jamais.
Un « hommage aux lieux festifs populaires ». La trame n’a rien de surnaturel, elle trouve sa source dans un vécu partagé, celui des salles des fêtes et autres MJC. Traitée avec un jeu virtuose, et un audacieux rapport au public, Paëlla fait de l’amateurisme un art de vivre ensemble. L'intention de rendre « hommage aux lieux festifs populaires », comme le revendique le collectif, marque l'engagement dans un théâtre adressé à toutes les générations. Portant masques et perruques, les visages des comédiens forcent une expression singulière qui facilite l’identification, et in fine tutoie l’universel. Gestuelles, tics, intonation de voix, banalité même, jouent en faveur du comique, du burlesque. La succession des tableaux va au rythme du cabaret. L’excès invite à rire, les situations à s’émouvoir.
Les plumes de Mustang sont Gabriella Rault, qui a une prédilection pour les dialogues, Aurélien Fontaine, qui incarne dans cette deuxième création un enthousiaste et impeccable Noé, et Claire Fagouin qui a ajouté son propre éclairage à la dramaturgie. Le trio s’accorde pour une « écriture du réel et jeu masqué ». Du collectif, né de rencontres à l’école du Jeu, est d'abord né Barzoï en 2022. Il y était question de la mort à travers la perte d'un chien, avec toujours une envie de surprendre, de porter le théâtre où on ne l'attend pas. Dernière venue du collectif, la comédienne Myra Zbib, également violoniste et mezzo-soprano, crée ici un inoubliable Bobby, ronchon au grand cœur.
L’allusion à la précarité de la profession comédien, auteur, metteur en scène, ainsi qu’au poids des coupes budgétaires se fond dans un humour de situation ciselé dans les effets maîtrisés du dérapage et de l’improvisation. Par-delà, la pièce est un hommage à une expérience de la débrouille, vécue en colonie, en MJC, au club Mickey ou ailleurs, capable de produire un élan libre, spontané, collectif, menant à la lutte.
Que celles et ceux qui n'auront pas eu l'occasion de le voir à Paris se consolent, le spectacle sera au programme du Off d'Avignon l'été prochain.
Paëlla. Texte, mise en scène : Gabriella Rault, Aurélien Fontaine, Claire Faugouin. Collaboration artistique : Camille Monchy.
Jeu : Nusch Batut Guiraud, Mathilde Bellanger, Aurélien Fontaine, Louis Loutz, Gabriella Rault, Myra Zbib.
Création lumière : Camille Monchy
Création sonore : Alex Bernard
Scénographie : Agathe Roger
Création masques : Estelle Clément