Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous
Mot de passe oublié ?Les migrations et le climat sont deux sujets malmenés actuellement, comme le rappelle en préambule la directrice générale de La Porte dorée, Constance Rivière, qui précise que le lieu qui abrite le musée national de l’immigration a l’habitude de traiter les sujets qui fâchent. Mais que sait-on des migrations ? Que sait-on de l’histoire du climat et ses conséquences sur l’actuel dérèglement climatique ? Difficile d’avoir un avis serein tant les migrations sont présentées comme « le problème » et le combat de nombreux États, et tant le sujet du climat dans son dérèglement est nié, voire méprisé, par les sceptiques au pouvoir. Les scientifiques et les artistes invités proposent d'apporter leur éclairage, rationel et sensible, avec des études et des œuvres formant le parcours de Migrations et climat. Une exposition qui invite à prendre une distance avec le brouhaha ininterrompu des avis et autres parti pris qui invitent à détourner les regards et les esprits.
Une méconnaissance du phénomène. Prendre une distance donc avec des observations scientifiques sourcées, mais aussi avec des productions d’artistes qui accompagnent l’émerveillement que suscite la nature. Tous vont à rebours de l’accélération des informations et des images pour imposer le temps long de leur pratique et de leurs réflexions. Et de témoignages édifiants, à l’instar de celui d’exilés, de réfugiés climatiques, de victimes d'inondations. L’exposition apprend et désapprend. La préparation de l'exposition s’est appuyée sur les résultats affligeants d’une grande enquête nationale menée par Occurrence – Groupe Ifop sur la perception et la connaissance des migrations liées aux changements climatiques. Les réponses obtenues mettent en lumière une méconnaissance profonde du phénomène, malgré une conscience croissante de son ampleur et de ses conséquences.
L’ADN même de l’institution sert le propos de l’exposition, le palais de la porte dorée abrite en effet à la fois un immense aquarium en sous-sol, et le musée national de l’immigration à l’étage. À l’étage le traitement des circulations humaines et ce qu’elles ont inspiré aux artistes, au sous-sol l’observation des migrations du vivant… Pour la première, fois les deux espaces n’en forment qu’un. Après le beau succès de Banlieues chéries, l’exposition Migrations et climat prend à bras le corps ces thématiques, et devrait rassembler les publics, les habitués du musée, ceux qu’attirent les espaces de l’aquarium qui ont en commun un bien commun essentiel, l’eau. Les productions artistiques, qui font écho à l’exposition, montrent que les inquiétudes climatiques ont toujours frappé l’homme. L’arche de Noë, le naufrage, la famine, le déluge, sont des sujets qui ont traversé et traversent toujours l’histoire de l’art. Accrochés côte à côte, les tableaux d'un anonyme du XVIIIe et de Brueghel l’Ancien témoignent de la dualité de l’homme, sa crainte du déluge et son désir d'harmonie avec le vivant sous toutes ses formes.
L'utopie d'une circulation sans frontières. L’activisme n’est jamais loin quand il s’agit de ces thématiques. L’utopie sans frontières à laquelle œuvrent depuis longtemps les artistes Lucy+Jorge Orta (nés en 1966 et 1953), a pour objet symbolique l’Antarctique, un territoire de recherches dont la gouvernance interétatique est unique. S’inspirant de ce modèle de coopération entre les nations dans un lieu inhospitalier, les deux artistes ont conçu une installation haute en couleurs avec l’aide des scientifiques de la base internationale Marambio. Composé de cinquante tentes igloo recouvertes de drapeaux et de vêtements du monde entier, posé sur la glace, leur Antarctic Village – No Borders agit comme un plaidoyer pour l’accueil des migrants et la circulation sans frontières des hommes. Au musée de l’immigration, le duo a installé un bureau de leur Antarctica World Passport, un passeport de citoyen du monde en solidarité avec l’Antarctique. Mis à la disposition des visiteurs, qui peuvent y imprimer des tampons, ce document symbolique reprend les mécanismes de circulation d’un pays à un autre et donnent une réalité troublante à ce que pourrait être la circulation sans frontières dans un pays monde.
Ce que les œuvres racontent. Les migrations des papillons, la fragilité des coraux, la disparition du caribou, la montée des eaux au Soudan, l’école au Bangladesh sont quelques-unes des réalités que des photographies documentent, que des œuvres textiles, des peintures, des installations chatoyantes, des objets de protection, racontent ou content. Certaines œuvres ont été créées avec l’intention de leurs auteurs et autrices d’éveiller les consciences, ainsi les images de la montée des océans que Nick Brandt a fabriquées en 2023 en fondant plusieurs réalités, qui amènent à poser les questions : où habiter demain ? Rester ou partir ? Abandonner ou reconstruire ?